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Anthony Roux : « Un truc de fou ! »

Après cinq podiums acquis aux Championnats de France, deux sur l’épreuve en ligne (2009, 2011) et trois sur le contre-la-montre (2014, 2016, 2017), Anthony Roux (Groupama-FDJ) décroche à 31 ans le premier titre de champion de France de sa carrière. Une joie immense et surtout la preuve qu’« il ne faut jamais lâcher le morceau », comme le disait le nouveau champion tricolore à l’arrivée de Mantes-la-Jolie. 

Anthony, est-ce la plus belle journée de votre carrière ?

(Il feint l’hésitation) Oui ! Oui oui ! C’est aussi celle que je réalise le moins, je pense. Demain, je vais essayer de revoir des images ou des photos, mais c’est certainement la plus belle journée.

Vous êtes un homme de championnats, vous étiez passé proche plusieurs fois. Vous étiez-vous découragé ?

Pas pour le préparer, non. Mais je m’étais dit que ma chance était passée, qu’il y avait des jeunes qui poussaient derrière, des gros potentiels, et qu’il serait maintenant compliqué d’être champion de France. Cela dit, en y pensant, ça m’a aussi libéré, mis un peu moins de pression. Ca m’a incité à tenter des choses que je ne tentais pas forcément avant, prendre des risques, attaquer. J’étais peut-être trop attentiste avant. Cela a souri cette fois. Comme quoi il ne faut pas lâcher le morceau. Ce sont des podiums qui m’ont mené à la première place. C’est du bonheur.

Cela vous permet-il aussi d’évacuer tous les doutes qui vont ont parfois bloqué ?

Cela n’efface pas totalement les choses, et d’ailleurs, tous les pépins auxquels on est confronté dans une carrière nous forgent, humainement et sportivement. On sort toujours grandi de défaites, de problèmes de santé ou de chutes. Il faut encaisser, c’est la vie. Il faut toujours persévérer, s’estimer heureux d’être pro et faire ce qu’il faut pour y rester. Puis aller chercher des victoires quand c’est possible.

Quand Julian Alaphilippe est revenu sur Rudy Molard, on a cru que la course était finie pour vous. Où avez-vous trouvé la force ?

Déjà, quand Rudy est sorti, je me suis dit qu’il filait au titre. Je ne voyais pas quelqu’un rentrer de l’arrière. Je pense qu’il y a eu une sacré bataille dans la bosse pour que ça sorte. Julian a dû mettre une bonne cartouche pour rentrer sur nous. Quand il est rentré, je me suis dit « oh la la, il va nous mettre son petit punch bien à lui dans l’enchaînement des petites bosses ». C’est quelq’un qui a gagné la Flèche Wallonne et qui est pour moi le meilleur puncheur du monde. C’était compliqué. Il a mis la pipe où il fallait. Je savais très bien qu’il ne fallait pas le suivre. Je ne suis pas puncheur comme lui. Il fallait que je monte cette bosse à un bon train, pour ne pas trop m’éloigner de lui, et ensuite tout faire pour rentrer car avec Rudy c’était mort. Ensuite, j’étais confiant et je savais que le sprint n’était pas perdu face à Julian.

Le sprint de la Route d’Occitanie vous a-t-il aidé aujourd’hui ?

Non, ce sont mes qualités qui m’ont aidé. Et aussi le fait d’être sorti avec de la force du Tour d’Italie. C’est toujours le cas à l’issue d’un Grand Tour. Il faut ensuite pouvoir récupérer et rester motivé. Je sais que mes qualités, c’est lancer un sprint de loin, surtout dans un petit groupe et en fin de course comme ça. C’est ce qui m’a donné un peu la confiance. Je ne pensais pas arriver avec tant d’avance, c’est génial de gagner comme ça.

Comment avez-vous vécu votre sprint, justement ?

Je ne pouvais pas le lancer trop tôt non plus parce que c’était un peu long et qu’il y avait un peu de vent. Un mec comme Julian aurait pu prendre ma roue et me sauter sur la fin. Après, c’est sûr que quand Anthony (Turgis) a lancé, c’était du bonheur pour moi. Le sprint était lancé, c’était un sprint lactique, à la pédale, et il n’y avait pas d’aspiration. Il est quand même sorti rapidement, il a fallu aller le chercher et derrière il restait encore 200 mètres. Je pensais vraiment revoir Alaphilippe à mon pédalier et me faire taper sur la ligne. C’était un sprint de fou. J’ai pensé à plein de choses pendant ce sprint. J’y suis allé avec les tripes. J’ai mis toute la force que j’avais. À la fin, je ne pouvais même pas lever les bras, je ne réalisais pas. Je me disais : « Ce n’est pas possible, tu n’es pas champion de France ». C’est un truc de fou. Quand je vois un mec comme Arnaud Démare, qui est parmi les meilleurs sprinteurs mondiaux et qui gagne en WorldTour avec ce maillot. Maintenant ça va être à moi, et ce n’est pas que je ne m’en sens pas capable, mais je ne suis pas un leader… Je ne gagne pas de grosses grosses courses. Avoir ce maillot, ça va être magique.

N’avez-vous pas de regret quant au fait de rater le Tour avec ce maillot ?

J’espère que je ne vais pas y aller, surtout ! J’ai besoin de couper un bon coup. C’était très très dur. On a vécu un Giro qui était aussi très difficile. On a eu un Thibaut (Pinot) exceptionnel, et aussi beaucoup de travail. C’est le premier Grand Tour que je fais dans ce rôle d’équipier à la Sky, en bouffant du vent et en roulant trois semaines. On a fini ce Giro avec des émotions exceptionnelles. On ne peut vivre de telles émotions dans le vélo. C’était cruel. C’était dur de finir le Giro comme ça, de se re-mobiliser, de pouvoir récupérer et retravailler à l’entraînement. J’ai alors surtout bossé le chrono. La force était là pour la route, il n’y avait pas besoin de la travailler. Il y a eu beaucoup d’investissements au mois de juin. Être coureur cycliste, c’est s’entraîner, manger correctement, se coucher tôt. Personnellement, j’ai aussi une femme, des enfants, plein de choses à gérer à côté. Quand on sort d’un Grand Tour, c’est un mois de juin très dur, ce sont cinq semaines très dures. Donc repartir sur un Grand Tour là, je ne m’y vois pas. Demain, je me vois plutôt manger une glace avec mon enfant au bord de la plage et profiter de ça avant de préparer la fin de saison. En plus, comme je le disais, l’équipe opère de manière différente maintenant. Il y a 5-6 ans, Marc annonçait la sélection au pied du bus après les Championnats. Maintenant, ça n’a rien à voir. Ce ne sont pas forcément les meilleurs qui vont au Tour. Des choses sont mises en place, des leaders sont là, des équipiers leur sont alloués. Le Tour de France est préparé depuis six mois, pas là, au mois de juin, sur le tas, avec des coureurs qui marchent bien. Chacun a un rôle dans l’équipe. Le mien, cette année, n’était pas de faire le Tour mais le Giro avec Thibaut. Je ne suis vraiment pas déçu de ne pas aller sur le Tour. Je comprends tout à fait les choses. Je n’ai d’ailleurs pas le moral et la motivation d’y être. Je suis sur un pic de forme là, mais dans une semaine je serai en bout de course.

Un mot sur la performance de l’équipe ?

Tous les ans, c’est incroyable. Pourtant, on a toujours peur au départ. En plus, on est de moins en moins puisqu’on recrute de grands coureurs à l’étranger. Autrefois, on arrivait en surnombre et c’en était presque frustrant pour les autres équipes car il n’y avait que du Groupama-FDJ. On était un poil moins nombreux cette fois, mais avec de bons coureurs devant, comme Valentin Madouas qui monte en puissance. C’était bien d’avoir ces coureurs en appui devant. On a pu jouer avec les nerfs du peloton pour que d’autres équipes viennent rouler. C’est une course d’équipe et une journée qui est motivante pour tous. Chacun met les tripes qu’il a. Par exemple, Léo Vincent était malade toute la semaine mais il a tout donné aujourd’hui. Je le voyais goutter, il était au bout du bout, et il s’est quand même mis chiffon pour l’équipe. C’est des journées qui sont vraiment belles. Tous les ans ça nous sourit, donc tant mieux. C’est évidemment une fierté de poursuivre la série. Ce sont des couleurs qui tiennent à coeur à Marc Madiot. Son briefing la veille nous fait monter en puissance, nous motive. Ce sont de beaux moments durant cette semaine du championnat de France.

Vous nourrissiez beaucoup d’ambitions pour le chrono. Le fait de ne pas terminer sur le podium ne vous a pas atteint ?

Non, je l’ai bien vécu. J’ai développé 97% de mon record sur une heure. Je ne pouvais pas faire mieux. Les conditions n’étaient peut-être pas en ma faveur, mais au vu de la fessée qu’on s’est pris par Latour… J’étais content d’être dans le jeu et à un bon niveau de performance, mais quand je vois comme Latour nous a mis minable, je n’ai aucun regret. Je ne peux que le féliciter et tirer mon chapeau.

Ce maillot va-t-il changer votre carrière, votre vie ?

Cela ne va pas changer ma vie. Le vélo ne change pas forcément ma vie non plus. Il y a d’autres choses dans la vie que le vélo. Dans 20 ans, tout ça sera du passé. Il ne faut pas se focaliser que sur le vélo. Je ne pense pas que ça va changer grand chose. Ou peut-être mon salaire ! (il éclate de rire). Il faut prendre ce maillot comme il vient. Je pense juste à demain. Le mois prochain me semble déjà tellement loin. Être champion de France n’était pas un rêve, c’était un but. Je m’étais toujours dit que c’était la classe, un coureur champion national et vainqueur sur les trois Grands Tours. Je suis à mi-chemin. Il me reste deux étapes sur deux différents Grands Tours (Giro, Tour, ndlr). Ce sont les objectifs que j’avais en début de carrière.

Allez-vous avoir plus de responsabilités avec ce maillot sur les épaules ?

Je ne sais pas, mais j’en ai déjà. Je bosse parfois avec Thibaut Pinot, mais j’ai aussi la chance d’avoir ma chance sur certaines courses. C’est très très rare sur des courses WorldTour maintenant. Il y a beaucoup d’équipiers qui ne font que ça. Moi, j’arrive à avoir ma chance sur des courses comme les Ardennaises, San Sebastian ou le Grand Prix de Québec. C’est ce que je veux. Je ne pense pas que ça va changer foncièrement mon statut. Marc connait mes qualités. Ce n’est pas ce maillot qui va changer quelque chose. Je ne lui ai pas prouvé que j’étais « bon ». Ca, il le sait. On n’est pas non plus sur une grosse course WorldTour. Il n’y a pas Peter Sagan, etc… Ce n’est pas parce que je suis champion de France que je vais me mettre à préparer les plus grandes Classiques demain. Je reste ce que je suis et je ne suis pas non plus un excellent coureur. Je suis un bon coureur. Mon statut restera ce qu’il est.

Quand pourrez-vous l’étrenner en course ?

Normalement, j’effectuerai ma reprise sur le Tour de Wallonie. (Il prend l’accent belge) Donc c’est bien pour les Belges, hein !

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