L’UCI veut de nouveau s’attaquer à la question des droits TV
C’est un vieux serpent de mer. À chaque nouvelle présidence, l’Union Cycliste Internationale veut s’attaquer à la question des droits TV. David Lappartient ne semble pas échapper à la règle. Cette fois-ci c’est au travers de la future UCI Classics Series que la question est abordée. À chaque génération son approche mais jusqu’ici l’impasse reste le même.
En 2020 le cyclisme va changer. Ou tout du moins l’organisation de son calendrier (lire ici). Parmi ces réformes, on va voir naitre les UCI Classics Series qui regrouperont les grandes courses d’un jour, sorte de renaissance de la Coupe du Monde, disparue après 2004 suite à l’éclosion du ProTour (désormais WorldTour). Lors de l’annonce faite à Innsbruck, l’UCI parlait des 5 Monuments (Milan-Sanremo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie) et d’une quinzaine d’autres épreuves d’un jour. Ça tombe bien puisque le calendrier WorldTour 2018 comptait 20 classiques en tout, en comptant les 5 Monuments (en 2019, il en comptera 21 avec l’ajout des 3 Jours de Bruges – La Panne).
Parmi les dernières nouveautés au sujet de cette réforme 2020 dont les contours sont pour l’instant imprécis et où beaucoup de sujets restent en suspens (salary cap, frais de formation, obligation pour les équipes WorldTour d’avoir une équipe de formation ou une équipe féminine…), CyclingNews.com révèle que l’UCI Classics Series sera « le pilier de la construction du nouveau modèle économique du cyclisme professionnel« . Regrouper toutes les courses d’un jour dans une « ligue » qui figure elle-même dans un calendrier plus global (le WorldTour demeurant) suffirait-il à re-dynamiser l’économie toute entière du cyclisme ? Ça parait si simple. L’UCI précise que la naissance de ces UCI Classics Series va remodeler le calendrier en trois blocs. Un premier bloc de classiques entre janvier et avril, un bloc de courses par étapes et Grands Tours entre mai et juillet et un nouveau bloc de courses d’un jour de août à octobre. En réalité, jusqu’à présent, la particularité des mois de mai, juin et juillet, c’est qu’il n’y a pas vraiment de grandes courses d’un jour alors que le reste du temps c’est une alternance constante entre courses d’un jour et courses par étapes, avec différentes périodes de prédominance de l’un sur l’autre.
Alors d’où viendrait la révolution tant attendue ? De la télévision bien sûr. D’après CyclingNews.com, le projet de la gouvernance actuelle de l’UCI est de rassembler les droits TV de ces épreuves d’un jour pour commercialiser une offre groupée. Une solution qui permettrait d’offrir une plus grande audience et d’attirer de plus gros revenus pour toutes les parties prenantes. Et parmi elles, coureurs et équipes seraient associés (histoire de s’assurer le soutien des équipes qui réclament depuis des années une part du gateau). L’idée c’est donc une sorte d’uniformisation du produit. L’UCI vendrait un « pack » UCI Cycling Series composé de 20 à 25 manches (aux dernières nouvelles) qui serait vu par les téléspectateurs un peu comme un Championnat du Monde de Formule 1 au fur et à mesure de ses différents Grand Prix. Mais est-ce vraiment envisageable ?
L’ensemble des 21 épreuves d’un jour que regroupera le WorldTour 2019 est réparti entre 12 organisateurs différents. Mais parmi eux, il y a deux grandes sociétés : ASO et RCS. Ensemble les deux organisateurs regroupent 4 des 5 Monuments et accessoirement les 3 Grands Tours. Les deux fonctionnent sur le même principe en termes de commercialisation de droits TV. Ils ont un produit phare : le Tour de France pour ASO (Paris-Roubaix également) et le Tour d’Italie pour RCS. Les deux se servent de leur produit phare pour commercialiser à leurs clients un ensemble de course. C’est à dire que quand ASO vend le Tour de France à un diffuseur, il vend en général un pack comprenant ses autres courses : Paris-Nice, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège, Critérium du Dauphiné, La Vuelta, etc (voire même des compétitions dans d’autres sports)… Même raisonnement pour RCS avec le Tour d’Italie et ses autres épreuves : Milan-Sanremo, Tirreno Adriatico, Strade Bianche, Tour de Lombardie, etc… L’économie générale d’une telle démarche est qu’il vaut mieux sacrifier un peu de rentabilité directe sur les ventes du produit phare pour avoir une plus grande rentabilité réparties sur l’ensemble des compétitions de l’organisateur. Accessoirement, ça évite aussi l’effort de devoir trouver un diffuseur pour chaque course et ça permet de vendre le même ensemble de courses aux partenaires, qui ont ainsi l’assurance de l’exposition médiatique.
Qu’apporterait l’offre groupée UCI Cycling Series à ces organisateurs ? À part démolir leur économie actuelle, on ne voit pas vraiment l’intérêt pour eux. Et que vaudrait le pack UCI Cycling Series sans quatre des cinq grands Monuments (ni Strade Bianche) ?… D’ailleurs, sans eux, on peut se demander quelle serait l’attitude de Flanders Classics. L’organisateur du Tour des Flandres a sans doute plus intérêt à vendre directement ses droits TV plutôt qu’à l’inclure dans un pack d’une quinzaine de courses de moindre niveau et avec lequel il n’a aucun lien. D’ailleurs il est intéressant de voir que Flanders Classics, qui n’organise que des courses d’un jour (dont trois sont WorldTour en plus du Tour des Flandres) ne fonctionne pas de la même façon que ASO et RCS et n’hésite pas à disséminer ses droits entre plusieurs broadcasters. En France par exemple L’Equipe diffuse les courses Flanders Classics à l’exception du Tour des Flandres, diffusé par Eurosport. Pourquoi ? Parce que quand on n’est pas un grand groupe (en termes de nombre de jours de course), la multitude de diffuseurs capable d’acheter des courses à l’unité ou en petits lots peut permettre de faire monter les prix en leur offrant une alternative aux courses des grands organisateurs dont la diffusion est monopolisée par quelques grands diffuseurs.
Du reste, on peut aussi se demander qui achèterait un pack de 20 à 25 courses d’un jour comprenant des classiques aussi variées que la Cadel Evans Great Ocean Road Race, les Grands Prix de Québec et Montréal… À part une grande chaine globale payante dédiée au sport. CyclingNews.com évoquait le fait que Milan-Sanremo n’était diffusé sur le réseau terrestre que dans quatre pays européens (dont la France avec la chaîne L’Equipe). Mais d’un autre côté quand BeIn Sports a fait une offre plus intéressante qu’Eurosport à RCS en 2012 pour la diffusion de ses épreuves, l’organisateur italien ne s’est pas vraiment préoccupé du fait que la chaîne qatari touchait plus de 6 fois moins de spectateurs qu’Eurosport. De même pour les Etats-Unis, RCS a préféré Fubo.TV et son très faible nombre d’abonnés à une chaîne globale comme NBC dont l’offre n’étant pourtant pas si inférieure à celle de Fubo.TV. Même pour un gros événement comme le Giro, la rentabilité de la commercialisation des droits TV prime sur l’exposition offerte (en dehors de l’Italie).
Il existe bien une autre façon de voir les offres groupées. C’est l’exemple de la Coupe de Belgique où l’ensemble des épreuves est vendu aux diffuseurs (Eurosport principalement) mais il s’agit d’épreuves qui seraient difficilement diffusées hors de ce contexte dans un calendrier où il n’y a pas vraiment une course qui domine l’autre mais plutôt un ensemble de compétitions qui ont compris qu’elles ne pourraient se développer qu’en se regroupant. Dans la mesure où toutes les épreuves d’un jour du WorldTour ou presque, sont diffusées mondialement en direct, la situation n’est pas comparable. Une offre groupée avec les 21 épreuves d’un jour du WorldTour ne servirait qu’à redistribuer les recettes des plus grandes épreuves vers les plus petits organisateurs (et peut-être pour l’UCI de prendre une petite quote-part au passage).
L’idée est très bonne mais cela semble très dure a mettre en place car les principales courses d’un jours sont répartis entre plusieurs diffuseurs.
L’idée est très bonne mais cela semble très dure a mettre en place car les principales courses d’un jours sont répartis entre plusieurs organisateurs. Alors si sais pour voir des courses d’un jour de seconde zone (sans les 5 monuments) vendus ensemble l’intérêt médiatique par es chaînes TV semble faible