Richie Porte, le grand favori ?
La question vaut habituellement plus pour les pronostiqueurs que sur le terrain sportif mais cette année, elle prend une autre tournure, plus psychologique. Christopher Froome (Team Sky) était apparu extrêmement décontracté en conférence de presse ce mercredi et sans en faire des tonnes, il a habilement placé la pression de la course sur les épaules de l’Australien Richie Porte (BMC). Ce dernier aborde pour la première fois le Tour de France en favori mais malgré un excellent début de saison et une supériorité affichée sur presque tous les terrains lors du Dauphiné, il ne peut s’appuyer sur l’assurance d’avoir remporté ladite épreuve. La guerre psychologique a commencé.
Richie Porte a commencé l’année en fanfare en remportant à domicile le Tour Down Under où il y a creusé le deuxième plus grand écart (sur le second du général) de l’histoire de l’épreuve. Arrivé en Europe en mars avec de grands espoirs sur Paris-Nice, sa course de cœur, il a perdu toute chance les deux premiers jours en étant piégé à deux reprises dans les bordures. Probablement en manque de rythme, il se consolera avec la victoire sur l’étape reine arrivant au sommet du Col de la Couillole. Depuis, à chaque apparition, l’Australien vole. Il était un cran nettement au dessus de tout le monde sur le Tour de Romandie, aussi bien dans la montagne qu’en chrono. Sur le Critérium du Dauphiné, il y a moins d’un mois, c’est sur le contre-la-montre qu’il a pris l’avantage avant de montrer sur l’étape de La Motte Servolex que les gros pourcentages ne lui font pas peur et le lendemain sur l’étape de l’Alpe d’Huez que la haute montagne lui va tout aussi bien. En apparence, l’Australien semblait extrêmement « cool » affichant sérénité et décontraction… jusqu’à cette dernière étape où il a été attaqué de toute part, où son équipe a montré des lacunes importantes et où Jakob Fuglsang (Astana) lui a fait perdre la course. Le visage de Porte s’est alors fermé et il a même prévenu d’un ton menaçant : « je m’en souviendrai en juillet », adressé aux artisans de sa défaite (qui étaient nombreux !).
Même s’il n’a pas commis d’erreur, n’a pas flanché physiquement Porte n’est pas reparti avec la confiance qu’aurait amené une victoire sur le Dauphiné, lui qui s’imaginait probablement que gagner cet ultime round de préparation pour le Tour de France le mettrait dans les pas de Froome. « C’est le passé et maintenant on va se concentrer sur le Tour, tentait-il de se rassurer en conférence de presse. Espérons que cela ne se reproduise plus mais le Tour est une course différente. J’espère qu’il s’agissait d’une expérience isolée. » Porte n’a pas tort sur ce point, le Tour convient mieux au type de coureur dominateur, à celui qui est le plus fort. Les intérêts sont trop importants pour que les adversaires tentent le tout pour le tout au risque de tout perdre comme au Dauphiné. « Vous apprenez d’expériences comme ça, a renchéri Porte, et ce que j’en ai appris est que quand tout le monde s’allie contre vous, cela devient très difficile ». Mais Porte le sait, sur le Tour, en règle générale, les intérêts divergent trop pour que tout le monde s’allie.
Ce jeudi en conférence de presse, le visage du coureur de BMC était pourtant plus fermé que ce que l’on a pu voir sur le Tour de Romandie, ou sur le Critérium du Dauphiné (à l’exception du dernier jour bien sûr). La concentration monte chez l’Australien qui devra frapper fort d’entrée sur le chrono de samedi, le terrain où il a montré sa plus grande supériorité face à ses adversaires cette année mais qui sera relativement rare sur ce Tour (seulement 36,5 kilomètres en deux étapes). Il n’y aura que 14 kilomètres contre-la-montre dans les rues de Düsseldorf pour prendre l’avantage. Un avantage qui ne devrait pas être trop important vu la courte distance mais qui pourra permettre à Porte d’être le mieux placé et de jouer plus défensivement quand la montagne arrivera. L’enjeu est donc déjà crucial pour la première étape sachant que l’autre chrono n’interviendra qu’à la veille de l’arrivée finale.
D’un côté il serait préférable pour Porte de prendre l’avantage de suite, de l’autre, si tel est le cas, et qu’il y a statut quo entre les leaders au sommet de La Planche des Belles Filles (5e étape), l’Australien risque de se retrouver maillot jaune et son équipe de supporter tout le poids de la course très tôt. Or on a vu que cette dernière était sans doute un peu faible par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir chez Sky par exemple. D’où les déclarations de Froome faisant de Porte le grand leader et auxquelles ce dernier s’oppose : « Froome est le grand favori ! Il sera en bien meilleure forme que sur le Dauphiné et il sait comment gérer la pression. Il a déjà gagné trois Tours de France et il n’y a pas de raison qu’il n’en gagne pas un quatrième. Chris est à l’évidence celui qui a la pancarte. Il est le vainqueur sortant et ce ne sera pas juste entre lui et moi ».