Disparition de l’Armée de Terre : Rostollan vers la retraite, Hurel et Menut craignent le pire
La décision du Ministère des Armées de suspendre l’équipe de l’Armée de Terre fait évidemment l’unanimité contre elle dans le monde du cyclisme. L’équipe Continentale avait une image spéciale auprès du public et son excellente saison 2017 (meilleure équipe Continentale européenne) renforce la frustration de la voir disparaître. Un « énorme gâchis » selon beaucoup. Mais si le Ministère a ses raisons, la décision la plus critiquable tient surtout au timing. Car l’annonce de l’arrêt de l’équipe le 17 novembre ne laisse aucune chance de se retourner aux coureurs « engagés » pour 2018. Thomas Rostollan parle de retraite, Tony Hurel craint de redescendre en amateur, David Menut est désemparé… La situation des nouveaux venus (comme Hurel et Menut) est encore plus problématique que celles des coureurs qui étaient encore sous contrat. Explication.
L’Armée de Terre était une équipe particulière. Sans parler de valeur sentimentale, son statut la rendait différente car, pour en faire partie, il fallait avant tout être militaire. D’où une méthode de recrutement spéciale en comparaison de toutes les autres équipes. Quand un coureur en provenance d’une autre équipe décide de s’engager avec l’Armée de Terre, il doit se contenter en premier lieu d’un accord verbal avec David Lima Da Costa (le manager de l’équipe). Pour que le contrat du coureur soit homologué, il faut ensuite que le coureur passe une batterie de tests pour officiellement devenir militaire. Ce n’est qu’en cas de réussite à ces tests qu’il pourra intégrer l’équipe. Un processus qui prend du temps et qui explique que chaque année, l’Armée de Terre est parmi les dernières équipes à dévoiler son effectif complet. L’intersaison 2017-2018 ne devait pas faire exception à la règle et les futures recrues n’étaient convoquées pour commencer les tests que… la semaine prochaine ! L’équipe étant dissoute, officiellement les sept coureurs qui devaient intégrer l’équipe en 2018 n’ont aucun lien avec l’Armée de Terre. Ils se retrouvent donc sans rien !
(mise à jour du 21 novembre 2018, sur l’avenir de Tony Hurel, lire ici)
C’est le cas par exemple de Tony Hurel (30 ans). « À l’Armée de Terre, on possède avant tout un statut de militaire. Il faut donc passer des tests avant d’y rentrer. Je devais les passer mercredi et jeudi prochains. Si les tests s’avéraient positifs, j’aurais signé le contrat. Pour l’instant, j’avais seulement donné ma parole à David Lima Da Costa » explique à Ouest France celui qui courait encore jusque cette année pour Direct Energie. « C’est quasi-impossible de retrouver une équipe pro mi-novembre. Faut-il que je redescende amateur afin de rebondir ? En tous les cas, il faut que je prenne la bonne décision » poursuit-il. Hurel n’était pas conservé par Direct Energie, qui a clos son effectif 2018. Il a donc contacté Vital Concept et Fortuneo – Oscaro. Pas de réponse du premier, impossible pour le deuxième. Reste un maigre espoir : « En septembre dernier, Roubaix – Lille Métropole m’a fait une proposition, mais je l’ai repoussée pour l’Armée… Aujourd’hui, je me sens un peu con de les démarcher à nouveau. » Mais l’équipe Nordiste a aussi bouclé son effectif (lire ici).
A 25 ans (26 ans en mars prochain) David Menut possède aussi une intéressante pointe de vitesse. Chez HP BTP – Auber93 depuis ses débuts pro, il avait aussi fait le choix d’intégrer l’Armée de Terre en 2018, ou plutôt d’y revenir puisqu’il faisait partie de l’équipe en 2014, quand elle n’était encore qu’amateure. « C’est tellement triste… Comme tout le monde, j’ai pris un bon gros coup de massue derrière la tête, déclarait-il à Le Parisien. J’ai connu cette équipe chez les amateurs et j’avais choisi d’y revenir la saison prochaine. Je voulais retrouver cette belle ambiance, me refaire plaisir. C’était comme un nouveau départ pour moi. Je tombe de très haut. (…) Quand on est coureur professionnel, on sait qu’on a toujours une épée de Damoclès au dessus de la tête car on signe des contrats courts. Mais se dire que c’est peut-être la fin de notre carrière à 25 ans, c’est un peu rude… Comment se remettre sur le marché mi-novembre ? » Menut confie à Le Parisien/Aujourd’hui en France qu’il songe à recourir à un Conseil juridique. « Ce n’est pas correct, surtout à ce moment-là de l’année » peste également Maxime Bonsergent à l’AFP, qui lui aussi devait rejoindre les rangs de l’Armée de Terre l’an prochain.
Les sept coureurs qui devaient intégrer l’Armée de Terre en 2018 : Tony Hurel (en provenance de Direct Energie), David Menut (en provenance HP BTP – Auber93), Benjamin Giraud (en provenance de Delko – Marseille Provence – KTM), Louis Pijourlet (néo-pro), Fabien Schmidt (néo-pro), Rémy Rochas (néo-pro), Maxime Bonsergent (néo-pro). DirectVelo.com révélait que Fabien Schmidt retournait dans l’équipe amateur d’où il vient : Côtes d’Armor – Marie Morin.
Pour les coureurs encore sous contrat (durée comprise entre un et trois ans), la situation est un peu moins inconfortable puisque le Ministère des Armées s’est engagé à tenir ses obligations financières. Mais ce n’est pas ça qui va permettre à ces coureurs de continuer dans le cyclisme professionnel. « Ça s’arrête au moment où l’équipe avait pour projet de passer en Continentale Pro (en 2019), déclarait Thomas Rostollan au journal La Provence. Tous les gars vont retourner en amateur. Moi, je ne pense pas… C’est le moment d’arrêter (…) Mais je reprendrai une licence dans la région, je continuerai à faire du vélo dans la région, pour m’amuser... »
Les treize coureurs encore sous contrat : Bryan Alaphilippe, Romain Campistrous, Fabien Canal, Bastien Duculty, Thibaut Ferasse, Morgan Kneisky, Kevin Lebreton, Jordan Levasseur, Romain Le Roux, Jimmy Raibaud, Thomas Rostollan, Kevin Sireau et Steven Tronet.
Pour ces coureurs encore sous contrat, s’ils veulent continuer au niveau professionnel, il leur faudra démissionner. Mais la question ne devrait pas se poser pour beaucoup d’entre eux car à cette période de l’année, trouver une équipe professionnelle relève presque de l’impossible. Le syndicat des coureurs français, l’Union Nationale des Coureurs Professionnels, s’est exprimé non pas quant au choix du Ministère de ne plus soutenir l’équipe, qui reste un choix politique, mais sur la communication trop tardive qui risque fort d’empêcher les coureurs concernés d’exercer leur activité professionnelle.
« Suite aux informations parues dans la presse ce vendredi 17 novembre, l’UNCP prend acte de la décision du Ministère des Armées de ne pas déposer de dossier de candidature pour l’équipe cycliste continentale de l’armée de terre pour 2018. De ce fait, les coureurs cyclistes concernés ne pourront pas exercer leur activité sportive sur les épreuves professionnelles du calendrier UCI. L’UNCP déplore cette décision trop tardive qui met les coureurs et le personnel d’encadrement dans une situation très préoccupante. L’UNCP demande officiellement à la Ligue Nationale de cyclisme et à la Fédération Française de Cyclisme de solliciter une entrevue avec le ministère concerné pour débattre sur le devenir des coureurs. »
Toutefois, à moins d’un revirement improbable, on ne voit pas, même s’il le voulait, comment le Ministère des Armées pourrait jouer sur le marché des transferts. Les vingt coureurs qui auraient dû former l’effectif de l’Equipe de l’Armée de Terre 2018 sont désormais livrés à eux mêmes. Leur seul espoir est que des équipes Continentales naissantes, à l’image de celle de Geoffrey Coupé (lire ici) leur tendent la main.
Pourquoi ne pas créer pour l’ensemble de ces coureurs concernés, une équipe, comme en 1975 par l’intermediaire de la loi de 1901 : créer une association. Félix léviathan avait « baptisée « cette équipe : « les Amis du Tour de France » . Elle regroupait des coureurs au chômage et avait reçu l’aval de l’UNCP!!!
Question : pourquoi ne pas réaliser vite aujourd’hui ce qui s’est fait , dans de semblables circonstances en 1975?
Une réponse pour ces coureurs serait la bienvenue de la part de l’UNCP.
Le titre est exagéré : « Hurel et Menut craignent le pire »
Le pire, dans la vie, ce n’est pas de ne plus pouvoir faire du vélo à 1.500€ ou 2.000€ par mois.
Etre pro pour être pro, et après… ?
Les coureurs qui ont le niveau sportif pour faire carrière ne restent pas sur la touche suite à la disparition d’une équipe de 3e division (qui, à mon sens, doit avant tout avoir un rôle d’équipe formatrice pour les 20-22 ans). A un moment, ces coureurs doivent comprendre que leur potentiel sportif ne leur permet pas de viser plus haut et qu’il est peut-être bon pour eux de changer d’orientation professionnelle. Ils devraient le prendre comme un mal pour un bien…
J’ai beau suivre le vélo avec passion, ces coureurs-là, Hurel et Menut, je suis incapable de citer une ligne de leur palmarès. Ils ont eu raison de tenter leur chance chez les pros mais maintenant il est temps de laisser la place à des jeunes… Faire « carrière » au niveau continental ne doit pas être un objectif de vie professionnelle.