[ITW] Tony Gallopin : « J’arrive dans mes meilleures années »

Recrue phare de l’intersaison chez AG2R-La Mondiale, Tony Gallopin retrouve une équipe française, sept ans après, avec un statut naturellement bien plus imposant et de l’expérience à revendre. L’ancien vainqueur de la Clásica San Sebastian, aussi vainqueur d’étape et maillot jaune sur le Tour, intègre le groupe de Vincent Lavenu avec plusieurs responsabilités. Celle d’un leader, pour certaines échéances, et celle de lieutenant, pour d’autres. En tous les cas, c’est avec le plein de motivation et de dynamisme qu’il s’attaque à cette nouvelle étape de sa carrière, comme il l’a confié ce jeudi midi à l’occasion de la présentation de son équipe. 

Tony, vous revenez de six saisons à l’étranger. Pourquoi maintenant, et qu’est-ce que cela change pour vous ?

Déjà, l’objectif n’était pas de revenir en France. Je n’avais pas cette vision là, d’équipe française ou étrangère. Je regarde seulement l’aspect sportif, et je voulais courir pour l’une des meilleures équipes du monde. C’était ça, la priorité, en plus de rester dans le WorldTour, et évoluer pour une équipe retenue pour toutes les grandes courses. Ensuite, évidemment, quand mon choix s’est porté sur AG2R-La Mondiale, j’ai pu noter le bon côté des choses. C’est vrai que ça simplifie plusieurs aspects, au niveau du public, de l’équipe, de la langue, de l’organisation. Aussi au niveau de mon programme, où je peux introduire davantage de courses françaises. C’est vrai que c’est plus agréable.

photo: Vincent Curutchet / AG2R

Vous allez bientôt fêter vos 30 ans, vous avez désormais un gros bagage et beaucoup d’expérience. Est-ce aussi cela que vous souhaitez apporter chez AG2R-La Mondiale ?

C’est vrai que j’entre déjà dans ma onzième année professionnelle. Il y a donc déjà pas mal d’expérience engrangée, et ça passe très vite. Je pense que j’ai eu une progression assez linéaire, et que je peux encore m’améliorer. Je vais avoir trente ans mais je pense justement que j’arrive dans mes meilleures années, surtout au vu du type de courses que je vise. J’espère progresser, que l’équipe me fasse progresser et faire progresser l’équipe. On a à gagner dans les deux sens.

Que pouvez-vous, justement, amener de vos expériences chez Radioshack ou Lotto-Soudal ?

Beaucoup de choses. J’ai commencé à Auber 93, puis il y a eu Cofidis, Radioshack et Lotto, et je pense qu’on apprend dans chaque équipe, en fonction de l’étape de sa carrière, en fonction de l’âge, aussi. J’ai appris certaines choses avec mes équipes, mais d’autres choses via mes expériences personnelles sur les courses. J’ai par exemple eu la chance de participer à toutes les courses d’un jour qui peuvent exister, qu’elles soient plates, montagneuses, pavées… J’ai évolué sur des terrains multiples, j’ai côtoyé de grands coureurs, de grands leaders. Il y a plein de choses qui ont pu m’aider et que je pourrai désormais partager.

Quelles sont vos attentes pour les prochaines semaines ?

L’objectif numéro 1 du début de saison, c’est Paris-Nice, en espérant que j’y sois au top de ma forme. Ensuite, ce sera comme d’habitude, avec Milan-San Remo et les quatre Classiques belges qui seront très importantes aussi. Ce sont 3-4 semaines, du début de Paris-Nice au Tour des Flandres, qui sont pour moi les plus capitales du début de saison.

Le parcours de Paris-Nice vous convient-il plus que l’an passé ?

photo: Julien Crosnier / AG2R

Oui, c’est clairement mieux pour moi. L’année dernière, l’issue avait tout de même été une déception. C’était un Paris-Nice assez idéal au départ avec, enfin, des bordures, qui m’avaient permis d’écarter plusieurs grimpeurs. Malheureusement, on est tombé sur une édition plutôt exceptionnelle, avec une arrivée au sommet qui n’a jamais été aussi dure, et d’ailleurs plus proche de ce que peut trouver sur le Dauphiné ou le Tour que sur un Paris-Nice. C’est dommage, car avec une arrivée un peu moins dure, il y aurait peut-être eu possibilité d’aller chercher le podium. Tant pis, c’est comme ça. En tous les cas, cette année, on aura aussi une belle arrivée au sommet, mais avec des pourcentages qui me correspondent mieux. C’est une montée plus roulante. Quant au reste du parcours, il est comme j’aime, avec du vent, un chrono, des bosses, de la montagne. C’est la beauté de cette course.

Pourquoi avoir opté pour les Flandriennes plutôt que pour les Ardennaises ?

Le choix avait déjà été entériné l’an passé. Malheureusement, j’avais chuté dès le GP E3 Harelbeke. Mais quoiqu’il en soit, j’ai définitivement choisi les Flandriennes. Cela ne veut pas dire que je ne retournerai pas sur les Ardennaises, je le ferai d’ailleurs cette année à l’occasion de l’Amstel Gold Race, mais ce ne sera plus en tant que leader. Ce ne sont pas tant les parcours qui ne me conviennent pas, mais plutôt la période de l’année. Il faut y aller vraiment préparé pour ça. Moi, j’ai Paris-Nice au préalable qui est un vrai objectif. Il y a aussi des coureurs vraiment spécialistes de ces courses. Et puis, je prends plus de plaisir et je pense que j’ai plus de chances de faire des résultats sur les Flandriennes.

Comment cela s’organisera-t-il avec Oliver Naesen, véritable leader de l’équipe pour les courses pavées ?

Je pense qu’Oliver, avec ce qu’il a démontré l’an passé, a un rôle de leader numéro 1. Il n’y a aucune discussion là-dessus. Après, je pense qu’on a une équipe très solide, capable de faire des résultats avec d’autres gars qu’Oliver. On sait comment se passent les Flandriennes, ce ne sont pas des courses écrites d’avance, au contraire d’une Flèche Wallonne ou d’un Liège-Bastogne-Liège. Je pense qu’il y a beaucoup plus de coureurs capables de faire des résultats, et ce sera le cas chez nous avec Silvan [Dillier], Stijn [Vandenbergh] ou encore Alexis [Gougeard]. On a une équipe très solide, et sur ce type de course, on ne doit rien s’interdire.

Qu’en est-il de Paris-Roubaix ?

Ce n’est pas au programme. Je pense que je ferai l’impasse pour me rendre sur l’Amstel ensuite. C’est un choix de l’équipe et je ne suis pas contre. J’ai vécu de mauvaises expériences avec les chutes sur Paris-Roubaix, même si ça reste Monument et une course qui me fait rêver. Je ne dis pas que je n’y reviendrai pas, mais l’équipe veut cette année me faire pousser jusqu’à l’Amstel, et courir Roubaix et Amstel, c’est peut-être un peu trop. Ils préfèrent donc me laisser de côté pour que je sois frais et performant sur l’Amstel Gold Race.

En deuxième partie de saison, le curseur se portera clairement sur le Tour de France, objectif majeur de l’équipe. Dans cette perspective, que pensez-vous pouvoir apporter à Romain Bardet ?

photo: Julien Crosnier / AG2R

Je pense qu’en 2018, le parcours est vraiment bien pour l’équipe. Et je pense pouvoir apporter ma pierre à l’édifice, surtout dans une première semaine nerveuse comme je les aime, avec des arrivées en bosse, des pavés ou des bordures. Je pense que c’est sur ce point-là que je peux aider Romain. Dans la haute montagne, je pense qu’il aura meilleur que moi pour l’accompagner en dernier recours. Mais un rôle à la Kwiatkowski chez Sky, à savoir complet, présent sur trois semaines, en plus de l’expérience que j’ai de mes années passées et des mes connaissances sur les tactiques d’autres équipes, c’est quelque chose qui pourrait me convenir. L’an passé, j’ai quasiment fait top-20 du Tour sans vraiment le viser. Je pense aussi qu’en grande forme, je suis capable de m’accrocher avec les meilleurs pendant un moment. Préparé pour ça, avec l’optique d’aider Romain, je pourrai tenir plus longtemps.

Y avait-il déjà des affinités entre Romain et vous avant que vous ne rejoignez l’équipe ?

Tout à fait. On se connaît quand même depuis plusieurs années, on s’est parfois affronté directement, en tant que concurrents. On a une bonne relation, on a couru un championnat du monde ensemble. Avant même que je signe, je l’avais consulté, je lui avais demandé son avis, questionné sur la manière dont ça fonctionnait dans l’équipe.

Aider un Français à gagner le Tour, c’est quelque chose qui vous motive ?

Bien sûr. C’est même l’une des raisons pour lesquelles j’ai signé ici : pouvoir participer à ça, être dans un groupe qui peut gagner le Tour avec Romain. J’ai envie d’en être. Cela fait des années qu’un Français n’a pas gagné le Tour. Ce matin, on est passé sur les Champs Elysées en voiture avec Marion [Rousse, sa compagne], et je lui ai dit : « Peut-être que la prochaine fois que je passerai ici, ce sera en tête du peloton, au premier passage sur les Champs ». Être sur la photo qui entoure le maillot jaune du Tour, ça fait rêver, clairement.

Allez-vous avoir l’occasion de courir avec Romain avant le Tour de France ?

photo: Vincent Curutchet / AG2R

Oui, je pense qu’on va faire une partie de la préparation ensemble, avec notamment l’entraînement, le Critérium du Dauphiné puis la période entre le Dauphiné et le Tour. Je pense que c’est surtout dans cette approche du Tour que l’on va passer « quelques jours » ensemble…

Qu’imaginez-vous ensuite pour la fin de la saison ?

C’est encore loin. On a beaucoup d’idées, et on a évoqué celle de faire le Tour d’Espagne. Je n’ai jamais fait deux Grands Tours dans l’année. Peut-être que cela se fera dans ma onzième saison. Mais cela reste à décider. Un Grand Tour, j’aime le faire parce que c’est le Tour, mais c’est quand même très difficile, on passe par des moments très compliqués, alors en enchainer deux, je ne sais pas encore. En tous les cas, un championnat du monde, ça reste un championnat du monde et j’ai vraiment envie d’en faire partie. J’ai aussi la chance d’être à l’aise sur n’importe quel parcours. Il est vrai que celui concocté cette année est assez exceptionnel et je ne vais pas y aller avec la prétention d’être leader ou l’ambition d’être champion du monde. Mais avec Romain ainsi que Thibaut et Warren, avec qui j’ai aussi de très bonnes relations, j’ai envie d’être dans cette équipe de France. J’ai toujours respecté ce maillot depuis les jeunes catégories et j’espère pouvoir l’honorer une nouvelle fois.

Quelle impression vous a laissé l’équipe lors des premiers rassemblements ?

Celle d’une équipe très professionnelle. Elle n’a rien à envier aux autres formations que j’ai connues. On sent que c’est une équipe qui a un gros passé et j’ai personnellement été impressionné par sa volonté de s’améliorer, malgré tous les acquis et les expériences qu’elle compte déjà. Il y a vraiment une envie de progresser, dans tous les domaines, chez les coureurs, mais aussi dans le staff et la direction sportive. Il y a une ambition de toujours faire mieux, et ça c’est vraiment agréable.

AG2R-La Mondiale s’est aussi attachée à combler quelques lacunes…

photo: Vincent Curutchet / AG2R

On a beaucoup parlé du contre-la-montre qui, on le sait, n’est pas une spécialité de l’équipe, mais j’ai senti qu’il y avait une volonté de tous de progresser sur ce point. Pour les Flandriennes, il y a un groupe très motivé, et j’en ai rarement vu un si solide dès les stages de pré-saison, à faire faire des réunions ensemble, créer du lien. Il y a une vraie volonté de tirer le groupe vers le haut. Il règne aussi une excellente atmosphère du fait qu’un leader comme Oliver qui, en plus d’être un excellent coureur, est quelqu’un qui ne veut pas attirer la lumière sur lui et qui est très ouvert avec ses coéquipiers. D’ailleurs, on a tous les deux une relation particulière car je l’ai vu arriver en tant que stagiaire chez Lotto. J’étais leader à l’époque, et maintenant on se retrouve ici et il dispose d’un nouveau statut, c’est une sensation étrange. Cela prouve aussi que j’ai vieilli. J’aurai bientôt des coéquipiers de dix ans mes cadets, mais ça ne me dérange pas, ça fait partie d’une carrière. Je continue de prendre du plaisir, je ne me sens pas du tout vieillir, physiquement ou mentalement.

Pour terminer, est-ce qu’à l’image de Warren Barguil, votre retour en France va vous amener à disputer plus de courses dans l’Hexagone ?

Mon programme n’a pas tellement évolué par rapport aux autres années, mais il y a effectivement quelques courses qui m’ont manqué. Par exemple, je vais pouvoir disputer le Tour de Provence, que je n’avais pas l’occasion de faire, il y a aussi Paris-Camembert, qui n’est pas loin de la maison. Ce sont des courses que je prends beaucoup de plaisir à courir. Les épreuves de la Coupe de France sont également des courses spéciales. J’ai eu la chance de gagner la Coupe de France plus jeune chez Cofidis, mais j’étais alors un coureur différent, plus fougueux, plus énergique. Avec les années, on devient un peu plus diesel, surtout avec l’habitude des courses WorldTour. En tous les cas, ça me fait plaisir de revenir sur ce genre de courses, comme La Marseillaise, dès ce dimanche, qu’il m’impatiente de disputer. J’enchainerai ensuite avec l’Etoile de Bessèges, le Tour La Provence puis Paris-Nice.

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