[ITW] Maxime Bouet : « En 2018, il faut que je me lâche »
À l’orée d’une nouvelle saison chez les professionnels, sa onzième, déjà, Maxime Bouet repart de nouvelles bases. Certaines sous la contrainte d’une blessure récemment contractée à l’entraînement, certaines faisant suite à une prise de conscience personnelle, et d’autres influencées par le tournant opéré par son équipe Fortuneo-Oscaro durant l’hiver. À 31 ans, l’ancien vainqueur d’étape sur le Tour du Trentin aborde 2018 avec l’envie de franchir un cap à titre individuel, mais aussi avec le souhait d’apporter sa pierre à la progression continue de la formation bretonne dans la hiérarchie mondiale. Tout juste de retour sur le home-trainer, l’ancien coureur d’Agritubel, AG2R-La Mondiale et Quick Step s’est longuement confié auprès de Cyclingpro.net.
Maxime, nous avons appris que vous vous étiez blessé au début du mois. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je suis plus proche de la fin – de la blessure. Il y a presque trois semaines, je suis tombé en VTT, pour mon premier jour de vélo de l’hiver. Sur le moment, je ne pensais pas que c’était vraiment grave. J’ai réussi à rentrer chez moi en vélo, mais le lendemain, il m’était impossible de poser le pied par terre. J’ai fait une IRM et on m’a diagnostiqué une fissure dans le genou. Je pensais que ça n’allait durer que quelques jours, mais deux semaines ont passé. J’espérais alors reprendre lors du stage de l’équipe Fortuneo-Oscaro, mais il était encore trop tôt. J’ai finalement réussi à faire du home-trainer hier soir (jeudi soir, ndlr), et ça va mieux. Je pense que je reprendrai la route la semaine prochaine.
Comment avez-vous occupé votre temps durant ces trois semaines ?
J’en ai profité pour profiter un peu plus de ma famille. Je fais aussi pas mal de piscine, que je pratiquais beaucoup en début de carrière mais que j’avais un peu abandonné ces dernières années. C’était la seule chose que je pouvais faire dernièrement. J’ai enchaîné les séances de 45 minutes, une heure. J’ai fait un peu de gainage également. Ce qui est surtout embêtant, c’est que j’avais un mois de coupure complet, après Paris-Bourges. Et le jour-même où je reprends, je me blesse. Ce qui fera donc un mois et trois semaines sans sport. Mais c’est peut-être un mal pour un bien.
C’est à dire ?
C’est un mal pour un bien dans le sens où ça fait onze ans que je suis pro, et que ça fait onze ans que je fais la connerie (sic) de faire des hivers de dingue. Je ne roulais pas « trop », mais je faisais vraiment le boulot, de la qualité, au maximum de ce que je suis capable de produire. Du coup, je revenais en bonne forme trop vite. J’avais une super condition en janvier, quand il n’y a pas de courses, mais ce n’était plus le cas en mars ou avril. Bêtement, je l’avoue, j’arrivais fort en stage pour monter que je marchais. C’est une erreur que beaucoup de jeunes font, mais que j’ai gardée. Les trois semaines de repos supplémentaires me forcent à adopter un autre programme. Et peut-être qu’elle joueront sur ma fraîcheur, sur ma motivation, une fois qu’on arrivera en mars-avril.
Vous étiez tout de même au stage de Fortuneo-Oscaro il y a quelques jours. Qu’en avez-vous retenu ?
J’attaque ma deuxième saison ici, et je trouve que l’équipe a une envie de grandir énorme. Elle grimpe les échelons petit à petit. L’équipe d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’il y a cinq ans. L’objectif n’est sans doute pas de rester en Conti Pro éternellement, mais c’est à Emmanuel Hubert de le dire. L’équipe se renforce chaque année, au niveau des coureurs, du staff, les partenaires suivent et veulent grandir avec nous. L’arrivée de Warren Barguil compte pour beaucoup. Progressivement, on réussit de beaux résultats au niveau international et avec Warren, on se doit d’être au top mondial et de rivaliser avec les équipes du WorldTour la saison prochaine. Je pense qu’on n’a pas à rougir. L’ossature 2017 était très bien, mais il nous manquait un gros leader pour les classements généraux sur les grandes courses. C’est la même chose au niveau du staff. L’arrivée de personnes comme Yvon Ledanois va beaucoup fédérer.
Qu’attendez-vous de Warren Barguil en tant que leader ?
Déjà, il va nous tous nous porter avec lui. On va pouvoir travailler collectivement pour un grand leader. Je ne l’ai pas beaucoup vu, mais il a l’air d’être quelqu’un qui sait où il va et ce dont il est capable. Il sait fédérer, mais il peut aussi dire les choses, quand ça va bien, ou mal. Il ne va pas ruminer, attendre, ou laisser faire. C’est primordial pour une équipe comme nous. Il nous fallait un leader comme ça, qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui ne voit pas juste le bout de son nez. Et en plus, il est Breton !
Comment vous positionnez-vous dans cette équipe Fortuneo-Oscaro 2018 ?
Je crois que je suis le coureur de l’équipe qui a fait le plus de top-10 la saison passée. C’est plutôt bien. Ce qui l’est moins, ce que je n’ai qu’un podium au compteur. Je suis un coureur assez régulier, on peut compter sur moi, mais il faut que je sois plus réaliste quand il s’agit de conclure. J’ai commencé à travailler avec un préparateur mental, car je pense que c’est mon gros défaut, le mental. Je ne crois pas assez en moi, et dans la tête, je ne me mets pas dans les meilleures conditions. Je dois travailler là-dessus. Je suis quelqu’un d’assez ambitieux sur les courses, je me mets une certaine pression de résultats. En 2018, il faut que je me lâche et que j’arrête de douter.
Quel sera votre rôle désormais ?
Je pense que je vais avoir plusieurs casquettes. Chez AG2R et Quick Step, j’ai toujours été auprès de grands leaders. J’aime ce rôle, et ça m’a un peu manqué en 2017. Ensuite, en plus d’aider Warren dans le final de courses à haut-niveau, je peux aussi assumer un rôle de capitaine de route. J’en ai fait la demande auprès de la direction. C’est quelque chose qui me plait, la tactique, le placement. Nous avons aussi mal de jeunes, dont certains qui ne parlent pas français, et je me vois bien faire le lien, les aider, les conseiller. Et puis de temps en temps, je pourrais aussi avoir ma chance, être leader, sur des courses un peu moins huppées. Mais je suis réaliste, je ne suis pas capable de faire un top-10 sur le Tour, au contraire de Warren.
Il a laissé entendre qu’il ne jouerait pas le général l’an prochain…
Warren dit cela, mais j’ai mon propre avis. Selon moi, il est très capable de faire un top-5 du Tour, et ce dès l’année prochaine. Peut-être qu’il ne le souhaite pas immédiatement, peut-être veut-il s’enlever un peu de pression, mais physiquement, il en a les moyens. On a aussi l’équipe pour l’aider dans cet objectif. Il n’en reste pas moins que ce sont des choix personnels. Sans doute vaut-il mieux gagner une étape que faire dixième du Tour, mais quand tu as réalisé un résultat, tu peux toujours le rééditer, et faire encore mieux. J’en suis persuadé. C’est pourquoi je pense même qu’un Warren Barguil est en mesure de faire podium du Tour dès 2018 au vu de ce qu’il a montré cette année. Après, il y a forcément des circonstances et un contexte qui favorisent ou non la performance.
Comment s’articulera votre début de saison ?
Normalement, je commencerai au Grand Prix La Marseillaise, à la maison. J’ai encore deux mois, donc ça va me permettre de revenir à niveau à temps. Ensuite, j’enchaînerai avec le Tour La Provence, qui est une belle course pour un coureur comme moi. Il devrait y avoir Warren, mais je ne sais pas quels sont ses plans pour cette épreuve. Me concernant, je poursuivrai avec le Tour du Haut-Var et normalement Paris-Nice. Ensuite, je devrais observer une micro-coupure. Je suis quelqu’un qui a besoin de petites plages de repos. En 2017, j’ai trop enchaîné. Je n’ai pas besoin de beaucoup courir. Au contraire, si j’observe une petite pause, je repars d’autant plus motivé pour les courses. L’écart s’est beaucoup resserré entre les coureurs, et la fraîcheur joue donc beaucoup. Qu’elle soit physique ou psychologique. Un coureur doit arriver en course gonflé à bloc, comme si c’était la première de la saison, et je pense que l’enchaînement peut être néfaste à ce niveau. On le voit d’ailleurs pour les grands leaders, qui ne courent pas beaucoup. C’est vrai aussi qu’on est tous différents, d’autres préfèrent empiler les courses, mais personnellement, si on veut que je performe, il faut m’aligner sur 3-4 courses, me laisser souffler quelques jours, puis reprendre l’entraînement hyper motivé avec l’envie de tout déchirer en course. C’est comme ça que je marche.