[ITV] Jean-René Bernaudeau : « Niccolò Bonifazio, c’est un artiste »
Après deux semaines de courses en 2019, Direct Energie truste la tête du classement des victoires chez les professionnels. La formation vendéenne a profité de sa traditionnelle reprise au Gabon, sur la Tropicale Amissa Bongo, pour enfiler les succès. Ceci par l’intermédiaire de sa toute nouvelle recrue, Niccolò Bonifazio, arrivé cet hiver en provenance de la Bahrain-Merida. L’Italien de 25 ans restait sur deux saisons plutôt mornes, ponctuée d’une maigre victoire. Si le plus dur reste à faire dans cette saison 2019, il a au moins repris de l’allant au sein de la structure de Jean-René Bernaudeau. D’ailleurs présent sur le continent africain la semaine passée, le manager vendéen a accordé quelques minutes à Velopro.fr pour évoquer sa recrue transalpine, son début de saison tonitruant, et le Tour, brièvement.
Jean-René, on imagine un manager heureux après cette entame parfaite, qui plus est sur une épreuve qui vous tient à coeur.
Tout à fait, d’autant que c’est moi qui dirigeais l’équipe. C’est d’ailleurs la seule fois de l’année où ça se produit. J’y tenais spécialement cette saison car Niccolò a rejoint notre formation cet hiver et je voulais l’accompagner pour ses débuts, comprendre son état d’esprit et lui expliquer quel étaient les particularités de l’équipe. C’était le premier objectif. La deuxième chose, évidemment, était que je reparte avec une bonne idée de ce qui allait bien et moins bien au niveau du fonctionnement.
L’an passé, vous étiez rentrés bredouille. Cette année, il y a trois étapes et le général à la clé.
Naturellement, quand on repart avec une victoire, c’est toujours mieux, mais ça ne fait pas tout. Vraiment, le premier objectif n’était pas purement sportif. Il était de comprendre quels aménagements on pouvait apporter pour que Niccolò, qui a un profil assez particulier, se sente bien chez nous. On est finalement ressortis emballés, très heureux, lui-même était content et c’est tout ce qu’on espérait.
Ces quatre victoires ne sont donc qu’un gros bonus ?
Au niveau sportif, pour l’équipe, on démarre bien, c’est évident. Mais cela montre aussi qu’on a réalisé un recrutement judicieux. On parle beaucoup de Niki Terpstra, on parle moins d’Anthony Turgis et de Niccolò Bonifazio, qui sont pourtant des coureurs de très haut niveau. On est très content que Niccolò commence ainsi. Et on sait comment les sprinteurs fonctionnent… Maintenant on va le laisser entre les mains des directeurs sportifs pour qu’il continue à scorer dans l’équipe. Ce n’est pas fini, à mon avis. C’est un coureur de talent qui peut nous faire une belle année 2019.
Qu’est-ce qui vous a motivé à le faire venir, et qu’est-ce qui l’a motivé à vous rejoindre ?
C’est un concours de circonstances. J’ai d’abord repris son profil historique, et je me suis souvenu de sa cinquième place sur Milan-Sanremo. On ne savait pas d’où il venait. C’est vrai qu’on l’avait un peu perdu de vue, mais en regardant de près, il fait trois fois troisième d’étape sur le Giro. J’ai ensuite demandé à quelques personnes que je connais bien chez Bahrain comment il se comportait. On m’a dit que c’était quelqu’un dont on ne s’occupait pas trop et qui se prenait en charge tout seul. Nous, nous souhaitions un sprinteur sans dénaturer notre équipe de baroudeurs. On est entré en contact comme ça et lui avait vraiment envie de sortir du WorldTour pour s’exprimer. Il a un profil particulier, c’est un peu un artiste et la rigueur du WorldTour ne lui convenait pas. Il voulait faire du vélo qui lui convient. On s’est très vite entendu.
Pendant la Tropicale Amissa Bongo, vous avez dit de lui qu’il se sentait « heureux » ?
S’il faut ressortir quelque chose, c’est bien ça. Il est heureux de voir que c’est très professionnel mais qu’il y a aussi beaucoup de plaisir chez nous. Les deux sont compatibles et c’est un peu notre marque de fabrique. Je suis content de voir que ça lui convient bien.
Son adaptation est réussie si l’on regarde les résultats. En pratique, qu’en est-il ?
Il comprend le Français. Il l’exprime moyennement, mais il le comprend, c’est déjà ça. Pour les briefings, on ne tient pas compte de la langue. Normalement il saisit, et si ce n’est pas le cas, il n’a aucun mal à demander de répéter. Mais je ne fais pas de souci, d’ici un ou deux mois, ce sera acquis. Au niveau de l’équipe, Yohann Gène, qui était notre capitaine de route sur la Tropicale, a vraiment apprécié le fait que quand on le plaçait, il ne perdait jamais sa position. Il frotte bien, c’est un artiste. Il nous a fait une marche arrière en vélo, il a roulé sur la roue avant, c’est un petit showman. Il ne faut pas lui enlever ça.
Quelles sont ses futures échéances ?
Lui pense énormément à Milan-Sanremo. Il habite sur le parcours de la course, il la connait par coeur. Il nous a dit qu’il pouvait reprendre dix secondes dans la descente du Poggio, par exemple… Dans l’immédiat, il va se rendre sur l’Etoile de Bessèges. Pour le reste, le programme s’affine puisqu’on sait qu’on ne sera pas sur Tirreno-Adriatico. On va re-bouger quelques lignes. La Tropicale se finit tout juste, les autres courses débutent, on fera le point dans une dizaine de jours. Il sera à Bessèges au moment où l’on définira son programme pour les trois mois à venir.
Il ne sera toutefois pas sur le Giro, pour lequel vous n’avez pas hérité d’invitation.
Ce n’est pas sa présence qui a joué pour notre candidature au Giro, de toute façon. Il n’a pas le poids qu’a Niki Terpstra sur les Flandriennes, par exemple. Il n’est pas incontournable pour les invitations même si c’est un très bon coureur. Il n’a que 25 ans. À lui de s’installer dans la hiérarchie s’il veut s’assurer d’être sur l’une ou l’autre course.
Pour conclure, on sait que la course à l’invitation du Tour a débuté. On imagine que c’est aussi dans toutes les têtes…
On court toujours pour faire le maximum. La Tropicale est derrière nous, La Marseillaise et Bessèges arrivent, on prend les courses les unes après les autres. C’est notre manière de faire depuis toujours. Globalement, l’équipe est plus forte que l’an dernier, c’est certain. La particularité cette année, c’est que cette course à l’invitation est officiellement lancée entre trois équipes (pour deux places). C’est pour cela qu’on en parle. Les années passées, on allait aussi la chercher, l’invitation. On n’en parle pas entre nous, et on ne s’exprime pas là-dessus. Mieux vaut pédaler qu’en parler. Ce n’est pas un sujet de discussion chez nous, en tous les cas. L’équipe a 20 ans, elle a toujours fait le Tour, elle n’a jamais déçu les gens, mais on ne joue pas du tout là-dessus. On joue sur la qualité de l’équipe et le Tour, ça se mérite. On se concentre donc sur ce que l’on fait et le match à trois n’influence pas du tout notre façon de faire. Je ne dis pas que personne n’y pense, mais on n’en parle pas entre nous et on n’en parle pas pour établir un plan de course. Jamais de la vie.