Louis Vervaeke, quand l’ambition mène au surentraînement
Dans un pays où le vélo est roi, une pression certaine, qu’elle soit affichée ou cachée, pèse sur les épaules de Louis Vervaeke. Celle d’un prodige, d’un grand espoir, d’un talent précoce que tout le monde attend. Il faut dire que le jeune homme de 23 ans s’est construit un sérieux palmarès au cours de sa dernière année dans les rangs Espoirs, particulièrement sur le territoire français. Coup sur coup vainqueur de la Ronde l’Isard, du Tour des Pays de Savoie et d’une étape à La Toussuire sur le Tour de l’Avenir (5e du général), le Flamand n’avait de fait eu aucun mal à passer de la branche « developement » à la section « pro » chez Lotto-Soudal. Après une première saison de rodage, en 2015, Vervaeke avait apporté un début de confirmation à son talent à l’occasion du Tour de Catalogne (20e) et du Tour du Pays Basque (11e) l’an passé, à seulement 22 ans. Il était alors dans les temps qu’il s’était fixés dès la sortie des rangs amateurs. « Ma carrière a toujours évolué dans le bon sens, avec très peu de revers, a-t-il confié au Het Nieuwsblad mardi, à l’issue de la quatrième étape du Tour de Suisse. On entend souvent qu’on repart de zéro chez les pros, mais dans ma tête, je n’étais pas prêt pour ça. Je me suis donné un an et demi. Je voulais être parmi les meilleurs ».
Ambitieux, le jeune homme se délecte alors de batailler, en terres basques, avec Nairo Quintana, Alberto Contador et consorts. Ses attentes se matérialisent et après un premier Grand Tour achevé fin 2016, avec la Vuelta, il démarre l’année 2017 en trombe. Deuxième et quatrième de deux manches accidentées du Challenge de Majorque, remportées par son collègue Tim Wellens, le natif de Renaix jubile. « Pour la première fois dans ma carrière, j’ai senti que j’avais le niveau pour gagner des courses chez les pros. Je n’avais jamais eu cette sensation auparavant », raconte-t-il. Tout laisse ainsi présager que cette saison peut être celle de son accession au niveau supérieur. Pourtant, il termine quasi anonymement le Tour d’Abou Dhabi un mois plus tard et, pire, abandonne lors des semaines qui suivent les Tours de Catalogne et du Pays Basque, ceux-là mêmes qui l’avaient boosté douze mois auparavant. Aujourd’hui, c’est avec lucidité que le grimpeur belge revient sur cette passe, ce frein momentané dans sa carrière, qu’il a d’abord souhaité gérer en interne avant de l’extérioriser.
« Après le Challenge de Majorque, j’ai commencé à travailler de façon frénétique, révèle-t-il. J’étais motivé. Avec mon entraîneur, on pensait que je pouvais passer un palier supplémentaire. Pour parler franchement, mes semaines d’entraînement étaient plus lourdes à encaisser qu’une course par étapes d’une semaine. Je me suis entraîné jusqu’à être complètement fatigué. » À cette surcharge d’entraînement, Louis Vervaeke y a additionné un régime drastique qu’il qualifie aujourd’hui comme sa « plus grosse erreur ». « Lors des journées d’entraînement, je mangeais bien le matin, mais bien trop peu ensuite, expose-t-il. Les jours de repos encore moins. C’était un cercle vicieux, mon corps ne récupérait plus. Ca se traduisait sur tout : le sang, les hormones, les vitamines… Tout indiquait un surentraînement extrême ». Sur le Tour du Pays Basque, il l’a expérimenté de sa personne. De façon générale, le peloton « roulait 4 km/h trop vite » pour lui. C’est à partir de cet instant que le jeune Belge et son coach ont tout stoppé. « J’ai été trop ambitieux mais nous avons tous les deux appris de cette situation », assure Louis Vervaeke.
Depuis, le coureur de la Lotto-Soudal s’est octroyé un repos nécessaire, a remodelé ses séances d’entraînement et revu ses ambitions à la baisse, pour le moment. Raison pour laquelle il s’est présenté au départ du Tour de Suisse sans une grosse charge d’entraînement dans les jambes, d’où son résultat anecdotique dans la première arrivée au sommet mardi (ndlr : 52e). Tranquillement, progressivement et avec le bon accompagnement, Vervaeke prépare désormais la Vuelta. Mais ne lui parlez pas de ses potentielles ambitions pour le mois d’août : « C’est la principale chose que j’ai apprise : je dois simplement m’imposer moins de pression ».
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