Julian Alaphilippe : » Je suis allé très loin dans la douleur pour aller la chercher celle-ci »
En conférence de presse, après sa superbe victoire, Julian Alaphilippe est revenu sur sa journée à l’avant : « J’ai seulement pensé que je pouvais gagner dans les derniers kilomètres, dans l’ascension du col de Romme quand j’ai vu que le groupe commençait à être vraiment en difficulté, c’est seulement à ce moment là que j’ai pensé à gagner, parce que dès le début de la journée, j’ai commencé à attaquer pour aller dans l’échappée. C’était assez difficile d’être devant, mais finalement après on a réussi à sortir un gros groupe. C’était une bonne chose qu’on soit deux à l’avant, nous pour Quick Step, avec Philippe Gilbert, et après c’est les jambes tout simplement dans les ascensions et je suis super content. »
A un journaliste qui évoque le début de Tour où avec Philippe Gilbert, ils étaient tous deux proches du maillot jaune, Julian Alaphilippe répond ; « Quand on passe proche de la victoire, il y a forcément un peu de frustration et on était tous les deux, dans une bonne position tout proche du maillot jaune. Personnellement, j’étais un petit peu déçu de ma première semaine en Bretagne, je savais que j’étais très attendu, mais je n’avais tout simplement pas suffisamment les jambes pour m’imposer au sommet de Mur de Bretagne ou même à Quimper. Mais voilà, il faut vite rebondir, il faut vite aller de l’avant, un Tour c’est long, c’est dur, ça se gère et je savais qu’il allait y avoir d’autres opportunités, comme aujourd’hui. C’était à moi de bien gérer tout çà et je pense que j’ai plutôt bien réussi, j’ai tout donné aujourd’hui, j’ai mis mes tripes sur la table, je ne pensais pas finir et m’imposer de cette manière. J’avais vraiment à coeur de remporter ma première victoire sur le Tour de France cette année, … et de cette manière. »
A un journaliste qui évoque son caractère très expansif et son enthousiasme, il répond : « J’ai du caractère, du tempérament, mais je pense que c’est plutôt une bonne chose avec le métier que je fais. Je me trouve plus calme qu’avant, j’arrive à gérer un petit peu mieux mes efforts par rapport aux saisons précédentes, c’est ce qui m’a aidé à passer un cap je pense, et depuis le début de l’année, je continue encore de le prouver. Non, ça ne me dessert pas, c’est une force que j’ai et je suis content de l’avoir. … Le cyclisme je le vis déjà pleinement, je suis épanoui dans ce que je fais. C’est sûr que c’est un métier difficile qui demande beaucoup de sacrifices et une hygiène de vie quasi irréprochable pour être au plus haut niveau. Après voilà, moi j’essaie de faire les choses au mieux, j’ai progressé depuis ma première saison jusqu’à maintenant pour arriver où j’en suis. Les résultats le prouvent. C’est vrai que je suis quelqu’un qui s’ennuie vite, quelqu’un qui a besoin que ça bouge. Je suis quelqu’un qui a de l’énergie. Très honnêtement la première semaine du Tour de France pour moi a été difficile à gérer, parce que je me suis beaucoup ennuyé et il n’y a finalement que l’étape de Mur de Bretagne qui me correspondait bien, … et je n’avais pas de jambes pour gagner. Je n’avais qu’une hâte, c’est d’arriver sur un terrain qui me correspondait mieux. Tout ça ça se gère, il faut rester calme. Je suis quelqu’un de très impulsif, j’arrive maintenant à contrôler un petit peu mieux mon tempérament et ça m’aide beaucoup. Mais à coté de ça je suis quelqu’un qui aime beaucoup rire, qui aime la vie tout simplement et j’aime me faire mal. Aujourd’hui il fallait se faire mal ! »
A un journaliste qui évoque ses larmes et son émotion à l’arrivée, les mettant sur le compte possible des frustrations, des occasions manquées, des ennuis mécaniques, Julian Alaphilippe répond de manière catégorique : « C’est sûr que des frustrations depuis quelques saisons j’en ai eues pas mal, que ce soit ma chute au JO, le fait d’être repris à la flamme aux championnats du monde, d’être battu par Peter Sagan dès la deuxième étape de mon premier tour, d’avoir enchaîné les places de deux derrière Alejandro Valverde sur les classiques, … Des frustrations j’en ai à la pelle. Ce sont des choses qui font grandir, qui rendent plus fort dans la tête. Non, l’émotion tout à l’heure, ce n’est pas forcément (dû à) la frustration accumulée, c’est surtout la douleur ! Parce que je me suis vraiment fait mal pour aller la chercher cette victoire. J’ai pu savourer. J’ai beaucoup pensé à ma famille, à mon père qui a des soucis de santé, qui me regardait derrière la télé. Ca m’a fait craquer parce que j’ai été très loin dans la douleur pour aller la chercher celle-ci et je sais qu’il regardait. Oui c’est beaucoup d’émotion ! »
Sur la gestion de l’effort et de la douleur consentis, il ajoute : « Il ne fallait pas se mettre en sur régime, et toute la journée je ne me suis pas mis en sur régime. C’était important pour moi. Je savais que c’était des ascensions un peu plus longues que ce que j’ai l’habitude de faire. Je me suis beaucoup préparé aussi, avant le Tour de France, sur des montées plus longues. J’ai fait un gros stage de préparation avec Bob (Jungels) pour justement repérer cette étape d’aujourd’hui. Je connaissais les routes. C’était aussi je pense quelque chose de très important pour ma gestion de l’effort, surtout à partir du moment où je me suis retrouvé tout seul. Après, c’est des moments où je me suis mis dans le rouge forcément, je n’ai pas creusé l’écart sans me mettre dans le rouge, mais j’ai toujours réussi à avoir le contrôle sur mes sensations, ça m’a beaucoup aidé pour aller jusqu’à la ligne. Je pense que si j’avais fait une grosse grosse attaque au sommet du col, pour faire tout exploser, je pense que j’aurais eu du mal pour aller jusqu’à la ligne. Là, je suis rentré sur Rein Taaramäe (Direct Energie) qui avait déjà fait un gros effort solitaire. Ca m’a permis de récupérer un petit peu et ensuite de faire une belle descente technique comme j’aime bien, et de gérer mon effort sur la dernière ascension. Je pense qu’aujourd’hui j’ai parfaitement contrôlé ce que j’avais à faire, et je suis vraiment content que ça ait pu me sauver. »
Enfin, sur l’évocation de concourir pour le classement général d’un Grand Tour, il réagit en souriant : « C’est une bonne question. Mais très honnêtement, pas pour le moment. Ca ne fait pas du tout partie de mon plan de carrière, en tout cas pas dans un futur proche. Il y a plein de courses qui me font envie, des courses que j’ai envie de découvrir, des courses à étapes d’une semaine ou des classiques. Mais très honnêtement, viser le classement général sur un Grand Tour, c’est pas du tout quelque chose à laquelle je pense. »