Arnaud Démare : « C’était sûr que ça allait être un sprint très sale »

Arnaud Démare l’a fait. Avant le Tour de France, le sprinteur de FDJ avait montré sa force et sa condition et il a concrétisé à Vittel aujourd’hui sur la quatrième étape du Tour de France en remportant son premier succès sur cette grand course. C’était son grand objectif au départ de Düsseldorf il y a quatre jours et le champion de France est désormais libéré. Arrivé sur le Tour auréolé d’un titre national, il avait manqué le coche de peu à Liège lors de la deuxième étape, battu seulement par Marcel Kittel. Hier à Longwy, il était encore présent sur une arrivée où il n’était pas forcément attendu, coupant la ligne à la sixième place. Aujourd’hui, il était le plus fort et il l’a montré en devançant sur la ligne Alexander Kristoff et André Greipel.

Pourtant, le sprint a été houleux depuis la flamme rouge où Peter Sagan a forcé le passage entre deux coureurs de la FDJ, provoquant une première chute massive. Les sprinteurs étaient presque tous encore présents, excepté le maillot vert Marcel Kittel, légèrement distancé et déjà hors-jeu. Placé en sixième position, Arnaud Démare attendait son heure et c’est Alexander Kristoff qui a dégainé le premier. Le champion de France a réagi et a débordé Peter Sagan sur la droite, juste avant que celui-ci ne vienne fermer la porte à Mark Cavendish, provoquant alors une deuxième chute impressionnante. Démare a continué son chemin en revenant dans la roue de Kristoff pour ensuite le déborder et s’imposer. « On savait que dans ce sprint, ça allait beaucoup frotter car les coureurs avait beaucoup de fraîcheur, du fait que ça n’ait pas roulé vite, racontait Démare en conférence de presse. Donc ça a frotté fort et il y avait déjà eu une chute au kilomètre avec Jacopo Guarnieri qui est allé au tapis. Pour la deuxième chute, je n’ai pas vu ce qui s’est passé. Il fallait que je me faufile pour remonter et je suis passé là où j’ai pu. J’ai eu peur que Kristoff ferme la porte sur la droite, c’est pour ça que je suis passé sur la gauche. »

Le champion de France s’attendait donc a un final difficile et il l’avait évoqué au briefing avec son équipe. « C’était aussi ma crainte personnelle. Avec mes coéquipiers, on en avait parlé. Je savais que ça allait être tendu et qu’il fallait être devant. Les leaders du général étaient aussi encore là à deux kilomètres de l’arrivée donc c’était sûr que ça allait être un sprint très sale. » L’occasion de pointer brièvement du doigt la présence des leaders dans le final – et ce malgré le changement de règle de l’UCI de ne comptabiliser les cassures qu’à partir de trois secondes d’écart –, qui viennent ajouter un peu plus de tension avant les sprints.

Finalement, c’est passé pour Arnaud Démare qui a dû se faire quelques frayeurs. Après sa victoire sur Milan-San Remo l’an dernier, il s’offre ici un nouveau succès de prestige. « Personnellement, c’est équivalent même si aux yeux du grand public, le Tour de France reste plus connu. C’est quelque chose d’énorme. Milan-San Remo m’a apporté énormément de confiance et a forcément joué sur le recrutement de l’équipe cet hiver. »

En effet, Marc Madiot a décidé de donner les moyens à son sprinteur de prendre une autre dimension cette saison. Depuis cet hiver, les arrivées des expérimentés Jacopo Guarnieri et Davide Cimolai ont assurément apporté un plus dans le train de la FDJ. Car après une saison 2015 difficile (conclue avec deux succès), le Français avait donné des garanties en 2016, prouvant que l’équipe pouvait construire autour de lui. « En 2015, je n’ai pas eu beaucoup de réussite, continue Démare. Je n’ai pas eu de résultat mais j’ai continué à travailler et à progresser. Ça n’a pas été une année de perdue même si ce fut une année difficile. En 2016, j’ai vu que je n’avais pas travaillé pour rien et que le travail portait ses fruits. Maintenant, je récupère mieux, j’ai gagné en maturité, en confiance. Je sais aussi mieux parler à mes équipiers et je sais ce que je veux. »

Le sprinteur a donc évolué dans son rôle et lui comme son train ont aussi su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Privé de Marc Sarreau absent sur ce Tour, d’Olivier Le Gac, malade depuis plusieurs jours, Démare a dû aussi faire avec un Mickaël Delage pas à 100% après sa chute lors de la deuxième étape. « C’est sûr que ça ne s’est pas déroulé comme à l’entraînement. On a des coureurs qui sont blessés ou malades. On arrive tout de même à s’adapter. Mickaël Delage a tout de même donné un coup de main, Rudy Molard a aussi aidé à l’approche des dix derniers kilomètres. Du coup, dans les trois derniers kilomètres, j’ai été piloté à la perfection, j’étais bien devant et je n’ai pas eu trop à frotter. C’était plus chaotique à l’entrée dans Vittel mais on s’est adapté, comme on s’était adapté à Liège avec la crevaison de Konovalovas. C’est aussi notre force de pouvoir nous adapter aux aléas de la course. »

L’évolution physique d’Arnaud Démare lui a aussi permis d’aborder les sprints très différemment et beaucoup plus sereinement. Extérieurement, il paraît prendre beaucoup plus de risques, mais dans la mêlée, le champion de France est surtout beaucoup plus sûr de ce qu’il entreprend. « Quand on est à bloc, on perd beaucoup en lucidité et on ne sait pas trop où on va, analyse-t-il. Lors de mon premier Grand Tour, sur le Giro, j’étais à fond dans les roues et j’attendais que ça se passe. Maintenant j’ai plus de force et j’arrive à beaucoup mieux lire le sprint. Ça se joue beaucoup sur la fraîcheur, la lucidité qui permet de beaucoup mieux mesurer les risques. Ça permet de mieux se placer, de freiner moins tôt et mettre la roue là où je n’aurais pas osé en ayant des étoiles dans les yeux. Aujourd’hui, j’arrive plus serein à l’approche des sprints. »

Sa victoire du jour est donc une grande libération et une vraie récompense pour le travail accompli, même si au fond de lui Démare laisse paraître un léger sentiment de retenu, expliquant qu’il aurait préféré gagner dans un vrai sprint massif avec tout le monde sur le vélo. « Gagner comme ça, c’est extra mais j’imagine ce que ça pourrait être encore mieux si on avait tous été bien en ligne. » Il lui restera d’autres occasions sur ce Tour pour le refaire dans un sprint moins chaotique. Il devient en tout cas le premier Français à régler le sprint d’un peloton sur le Tour de France depuis Jimmy Casper en 2006 à Strasbourg. Une victoire qui en appellera certainement d’autres.

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