Vincent Lavenu : « Pierre était deux pattes au-dessus de tout le monde »
Il était aux premières loges pour immortaliser le moment. Vincent Lavenu n’a pas manqué une miette du podium, de la remise du maillot bleu-blanc-rouge et de la Marseillaise réservée à son protégé Pierre Latour, sacré pour la deuxième année consécutive champion de France du contre-la-montre. Le patron des terre-et-ciel n’a aussi rien manqué de la démonstration de force et de la leçon infligée par son poulain au reste de la concurrence. Vainqueur par KO, avec une avance abyssale, Pierre Latour a ainsi assuré un nouveau titre à l’équipe savoyarde, dont le manager, après quelques clichés et franches accolades, s’arrêtait au micro de Velopro.fr pour revenir, et savourer, la performance du jour.
Vincent Lavenu, 2’23 d’avance à l’arrivée pour Pierre Latour. Quel est votre premier sentiment ?
C’est un exploit. Tout simplement. Penser qu’il pouvait doubler, oui, car c’est un garçon qui progresse d’année en année. L’an passé c’était une bonne surprise qu’il soit champion de France. On pouvait espérer qu’il le soit à nouveau, mais de là à faire un tel écart à un tel niveau, sur Tony Gallopin et le reste du peloton, c’est extraordinaire. Cette année, il a réussi de belles choses, des top-10 sur des courses par étapes WorldTour. Il a beaucoup travaillé ces derniers temps, au même titre que l’équipe, en prévision du Tour de France. On aurait d’ailleurs peut-être pu penser que ce travail intensif effectué la semaine dernière ait des conséquences négatives sur le chrono en lui-même. Finalement non, bien au contraire.
A la mi-parcours, il avait déjà une minute d’avance. Ce n’a vous a pas inquiété ?
Il avait déjà pas mal d’avance au premier intermédiaire. On s’est dit « peut-être est-il parti un peu vite ». Mais il y avait un tel écart au deuxième intermédiaire qu’on s’est simplement dit qu’il était au-dessus du lot. Il aurait vraiment fallu qu’il s’écroule dans la deuxième partie, et finalement il a fait un parcours très linéaire et très régulier. Cela veut dire qu’il était nettement au-dessus du lot.
Qu’est-ce que traduit cet énorme écart à l’arrivée ? Sa progression, son niveau bien supérieur au « reste » ?
Oui, même s’il avait déjà battu des garçons comme Anthony Roux et Sylvain Chavanel, qui sont capables de bons chronos au niveau mondial, lors de son premier titre l’an passé. C’était déjà une bonne surprise, et on sait que c’est un garçon qui est en phase ascendante. Il travaille beaucoup, c’est un dur-au-mal. C’est un garçon qui va très loin dans le support de la douleur. Aujourd’hui, comme on le dit vulgairement dans le vélo, il était deux pattes au-dessus de tout le monde. C’est plaisant.
En plus de cela, Tony Gallopin fait deuxième. C’est aussi bon signe en vu du chrono par équipes du Tour de France ?
Oui, mais le chrono est quelque chose sur lequel on a beaucoup travaillé, nos partenaires également. Et attention, ce travail ne date pas de cette année. Cela fait plusieurs saisons qu’on travaille sur les combinaisons, sur les vélos, sur les roues. Il y a beaucoup de travail fait en amont. On fait des études en soufflerie en Italie, à l’étranger, du travail sur pistes avec des ergonomes. Cela fait plaisir de voir que ça paie. Pendant plusieurs années, on avait le sentiment qu’on avançait pas beaucoup. Maintenant c’est le cas. On l’a notamment vu sur le chrono par équipes du Dauphiné. Les choses bougent et c’est satisfaisant.
Pierre Latour sera-t-il le moteur de l’équipe sur le chrono du Tour ?
Je pense en tout cas que ses collègues vont s’inquiéter un peu (rires). Ils vont sûrement lui demander de prendre des relais un peu plus longs que la moyenne. Pierre est capable de rouler très longtemps, très vite. Il fera sûrement le plus grand bien à l’équipe sur le chrono. Il a aussi cette capacité à aller très loin dans la montagne, donc ce sera certainement le dernier maillon auprès de Romain en haute montagne, et ça devrait le servir aussi pour faire un bon classement général. Même si, l’objectif numéro 1, ça reste d’emmener Romain le plus haut possible vers le podium.
Quand on est bon en chrono, bon en montagne, on ne peut que jouer le général sur un Grand Tour à un certain moment. Quand cela se présentera-t-il pour Pierre Latour ?
Il faut qu’il le sente lui, d’abord. À un moment donné, bien sûr qu’il aura l’opportunité de jouer le rôle de leader sur un Grand Tour. Est-ce que ce sera en 2019, en 2020 ? On verra. C’est une discussion qu’on a avec l’athlète mais qu’on a aussi avec les coachs, les entraîneurs. Lui n’est pas si pressé. Il sait qu’à chaque jour suffit sa peine. Il doit prendre le temps. Cela dit, il est vrai qu’il a passé un cap cette année, donc je pense qu’il est prêt, dès l’année prochaine, à pourquoi pas endosser ce rôle là. Pour la Vuelta cette saison, ça parait difficile. On verra comment il finira le Tour.