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ASO travaillerait sur un Paris-Roubaix féminin et une course à étapes d’une semaine

En marge du salon Rouleur Classic qui se tient actuellement à Londres, le Président de l’Union Cycliste Internationale a été interrogé sur de nombreux sujets dont le cyclisme féminin. Il a révélé à The Daily Telegraph qu’un Paris-Roubaix féminin pourrait voir le jour en 2020, et qu’une course par étapes d’une semaine était en cours d’élaboration par ASO, même si le Président Lappartient poussait pour sa part pour voir naître une épreuve de 10 jours.

Au Royaume Uni, la question du cyclisme féminin est sans doute bien plus prépondérante que dans les pays européens. Il y a trois grandes courses au calendrier UCI : Le Tour de Yorkshire, le Tour de Grande Bretagne et la Prudential RideLondon Surrey Classic. Et ces trois courses ont un équivalent féminin. Avec la naissance du Tour d’Ecosse féminin en 2019, il y aura même plus de compétitions de haut niveau féminines que masculines sur le territoire de la Grande Bretagne. Alors naturellement, le Président de l’UCI, David Lappartient, a été interrogé sur les prochaines étapes du développement du cyclisme féminin au travers des grandes épreuves, et notamment du Tour de France bien évidemment.

Depuis 2014, ASO organise La Course by Le Tour, en marge du Tour de France. Si les trois premières éditions n’ont offert  qu’une course en critérium autour des Champs Elysées, quelques heures avant l’arrivée finale du Tour de France, les deux dernières éditions ont été beaucoup plus audacieuses en proposant à chaque fois une journée de haute montagne avec l’arrivée au Col d’Izoard en 2017 et cette année à Le Grand Bornand via le Col de Romme puis La Colombière.  En 2017, la course d’un jour était même complétée d’une épreuve de poursuite sur le parcours du chrono de Marseille (non UCI). À chaque fois l’économie est simple : l’épreuve se déroule quelques heures avant le passage du Tour de France masculin et bénéficie du public, de la logistique et des énormes moyens techniques du Tour de France pour assurer une diffusion mondiale sans égale dans le monde du cyclisme féminin. En marge de ça, ASO organise aussi La Flèche Wallonne féminine, Liège-Bastogne-Liège féminin et le Madrid Challenge by la Vuelta depuis 2015 (disputé pour la première fois sur 2 jours cette année).

Et l’organisateur français est poussé chaque année à en faire plus. Mais si le développement actuel du cyclisme féminin est propice à l’apparition de compétitions d’envergure plus importante, permettant une diffusion médiatique plus similaire à ce qui existe pour les hommes, le modèle reste compliqué à trouver. Car bien évidemment, les étapes du Tour de France de l’Izoard en 2017, et du Grand Bornand en 2018, ont aussi été dessinées pour permettre la tenue simultanée (quelques heures avant) de La Course by Le Tour. Un véritable défi technique et logistique chaque année pour ASO. Il faut à chaque fois que la course féminine se termine avant la course masculine (et que donc la course femmes ne prenne pas trop de retard) et que l’arrivée ne soit pas trop éloignée du départ pour permettre le rapatriement d’une partie des moyens techniques à temps pour la course masculine. Un schéma difficilement envisageable sur plusieurs jours donc.

Les autres grandes courses qui se sont récemment développées dans le cyclisme féminin sont des courses d’un jour disputées en parallèle de grandes classiques du cyclisme masculin : Le Tour des Flandres (depuis 2004), La Flèche Wallonne (depuis 1998), Liège-Bastogne-Liège (depuis 2017), l’Amstel Gold Race (depuis 2017 après quelques tentatives dans les années 2000), les Strade Bianche (depuis 2015), Gent-Wevelgem (depuis 2014), l’Omloop Het Nieuwsblad (depuis 2007)…

Ces courses souffrent toutes du même problème : en se tenant le même jour que les grandes courses du calendrier masculin sur un tracé similaire, elles s’assurent un succès populaire qui n’existe nul part ailleurs dans le cyclisme féminin, mais en contrepartie, elles entrent en compétition avec les épreuves masculines sur le plan de la diffusion TV car elles se déroulent en même temps. Les organisateurs du Tour des Flandres ont fait le choix d’interrompre la diffusion de la classique Monument le temps de diffuser le final de la course féminine. Et chaque année, cette interruption est fortement critiquée car le Tour des Flandres est l’une des rares compétitions où la course peut se décanter très loin de l’arrivée et priver les téléspectateurs de ce rare moment est un passage en force mal perçu par beaucoup. À l’opposé, les autres organisations sont critiquées pour ne justement pas diffuser leurs courses féminines afin de ne pas interrompre la diffusion de l’épreuve masculine… un casse-tête. Diffuser les deux compétitions en simultané sur deux chaines différentes les mettrait en concurrence et coûterait cher à la plupart des organisateurs car cela nécessiterait deux productions TV différentes (au Tour des Flandres, la double production est facilitée par le fait que les deux compétitions tournent autour de Oudenaarde, dans un espace restreint). Une entreprise difficilement viable.

Alors que faire ? C’est sans doute la question sur laquelle planche ASO avant de sortir ce Paris-Roubaix féminin et cette course à étapes d’une semaine (le Président de l’UCI poussant pour aller jusqu’à 10 jours). Pour chacune de ces deux compétitions le défi est différent.

Pour Paris-Roubaix, la tâche n’est pas simple. C’est sans aucun doute la compétition d’un jour la plus attendue dans le cyclisme féminin ! Mais organiser la course le même jour que le Paris-Roubaix masculin est complexe car les moyens déployés pour organiser Paris-Roubaix sont déjà hors norme. Pas seulement en terme de diffusion TV (les moyens TV pour Paris-Roubaix étant très spéciaux en raison du terrain), mais aussi en terme d’organisation pure car dès le premier secteur pavé de Troisvilles, le peloton explose et la course s’étend sur des kilomètres qu’il faut donc sécuriser. Il y a aussi beaucoup de chutes et donc un service médical conséquent. Le nombre d’incidents mécaniques sur les pavés oblige aussi l’organisation à développer un service neutre (Mavic) très important.

Organiser deux événements de cette envergure en une seule journée n’est peut-être pas impossible, mais c’est un véritable défi pour ASO. Il faut également savoir que le dimanche de Paris-Roubaix, il y a aussi le Paris-Roubaix Juniors organisé par le Vélo Club de Roubaix, et la veille, les pavés sont occupés par les plus de 6 000 participants de la cyclo Paris-Roubaix Challenge. En plus de ce défi organisationnel, se pose la question de la diffusion TV. D’une les moyens utilisés pour diffuser Paris-Roubaix sont uniques (difficile d’imaginer les doubler), de deux il semble plus qu’improbable d’interrompre la diffusion de Paris-Roubaix comme au Tour des Flandres. À l’instar d’autres grandes épreuves d’un jour précitées, qui se déroulent en marge des courses masculines, Paris-Roubaix féminin pourrait aussi se passer de diffusion TV mais ce serait quand même dommage d’organiser une si grande course pour l’en priver de diffusion TV.

L’autre défi est donc cette course d’une semaine. Bien entendu, depuis que ASO a amené La Course by Le Tour dans la montagne, c’est le rêve de beaucoup de voir ce format se répéter plusieurs jours de suite pour offrir au cyclisme féminin son Grand Tour dans la dimension populaire et médiatique du Tour de France. Le cyclisme féminin a déjà sa grande course de 10 jours avec de la haute montagne : le Giro Rosa (qui n’est pas organisé par RCS) mais cette épreuve, complètement déconnectée en date du Tour d’Italie, ne connaît pas une grande diffusion médiatique. C’est bien pour ça que passer La Course by Le Tour au format par étapes serait une énorme avancée pour le cyclisme féminin… mais c’est aussi un peu une utopie. Car comme on l’a dit précédemment, l’organisation de La Course by Le Tour réclame des conditions d’organisation bien particulières qu’il est déjà suffisamment difficile de produire une seule fois sur un Tour de France. Si en 2017, il y a eu une deuxième journée, c’était parce que, outre des étapes dessinées spécialement pour permettre la tenue de la course féminine, l’autre option est de prendre les parcours des chronos. Ce sera d’ailleurs aussi le cas pour le seul jour de La Course by Le Tour en 2019, à Pau (le 19 juillet).

Si l’on se penche sur l’histoire du cyclisme féminin, ASO (à l’époque la Société du Tour de France) a été précurseur en organisant une compétition en marge du Tour de France dans les années 80. Entre 1984 et 1989, le Tour de France féminin a eu lieu en « lever de rideau » du Tour de France masculin. Mais entre la course féminine, la caravane publicitaire et l’épreuve masculine, le Tour n’est pas passé loin de la catastrophe à plusieurs reprises. Et à l’époque bien sûr, on ne se posait même pas la question de la diffusion TV de l’épreuve féminine. Le format a dû être interrompu en 1990 à cause de ces problèmes insolubles d’organisation, et la Société du Tour de France a donc sorti la course du Tour de France pour en faire le Tour de la Communauté Economique Européenne qui, hors de de l’émulation médiatique du Tour, n’aura duré que quatre éditions.

Et le problème est toujours le même aujourd’hui. Organiser une autre grande course à étapes féminine, que ce soit sur un format long comme le Giro Rosa, ou sur des formats plus courts comme le Boels Ladies Tour, le Women’s Tour (version féminine du Tour de Grande Bretagne) ou le Tour de Yorkshire féminin est sans doute faisable et peut-être intéressant sportivement en proposant des grandes étapes de montagne, mais cela offrira-t-il vraiment une avancée au cyclisme féminin si ce ne reste que des épreuves isolées, ne bénéficiant pas des succès populaires et médiatiques des épreuves masculines déjà bien installées dans la tradition du cyclisme (à l’image du tennis) ? De l’autre côté, les accoler aux grandes épreuves masculines par étapes est un casse-tête organisationnel et risque de mettre épreuves féminines et masculines en concurrence quant à la diffusion TV.

C’est sans doute là l’équation à résoudre pour ASO et d’autres organisateurs. D’un côté, la pression actuelle pour développer le cyclisme féminin pousse à organiser de plus en plus de courses en lien avec les épreuves masculines, de l’autre, un développement du nombre de courses sans penser à la viabilité de la formule et à leurs véritables avantages pour le développement économique et médiatique du cyclisme féminin présente toujours le risque, à terme, de mener à des situations compliquées, provoquant parfois des retours en arrière.

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