La surprenante charge de David Lappartient contre les oreillettes
Dans une interview donnée à Het Laatste Nieuws il y a quelques jours, David Lappartient a rappelé ses principaux axes de travail en tant que nouveau Président de l’Union Cycliste Internationale, à savoir notamment la lutte contre la fraude mécanique et l’imposition d’un congé pour les coureurs ayant pris des corticoïdes (produits ne figurant pas sur la liste des produits interdits par l’Agence Mondiale Antidopage). Jusque là rien de nouveau, mais plus surprenante a été la charge de Lappartient contre les oreillettes… ou plutôt contre la possibilité qu’elles offrent aux réseaux illégaux de paris, de truquer la course. Une association jamais réellement évoquée jusqu’ici et surprenante.
David Lappartient n’a jamais démenti son hostilité envers les oreillettes. Après son élection à la tête de l’UCI, il était interrogé par DirectVelo.com sur ses intentions par rapport à celles-ci et leur répondait : « Je n’ai jamais caché que je n’en suis pas fan. Mais cela ne fait pas partie de mon programme, donc je ne vais pas introduire la suppression des oreillettes. En revanche, elles n’ont pas leur place sur un Championnat du Monde. » Il réaffirme cette ligne lors de son interview à Het Laatste Nieuws : « Elles rendent les courses stériles » ; et réaffirme son intention de les bannir des Mondiaux.
Mais il ajoute également : « Et il y aussi quelque chose d’autre avec les oreillettes, elles rendent le cyclisme très sensible aux paris en ligne. (…) Vous pouvez communiquer directement avec un coureur en course. Officiellement, la communication se fait entre la voiture d’équipe et le coureur. Mais d’un point de vue technologique, rien ne m’empêche ou qui que ce soit de parler au porteur du maillot jaune durant une étape du Tour, n’est-ce pas ? » N’importe qui de mal intentionné serait alors en mesure de se faire passer pour un directeur sportif et de donner des consignes erronées aux coureurs dans le but de truquer la course. Un point de vue assez novateur… mais est-il réaliste ?
En théorie, oui. En pratique c’est beaucoup plus complexe. Car le cyclisme est un sport qui bouge en permanence. Selon le terrain, il peut arriver qu’un directeur sportif ne soit pas en mesure de parler à son coureur quand celui-ci est dans une échappée 5′ devant. Il faudrait donc que les fraudeurs soient capables de bouger avec la course et à une distance suffisamment faible pour être à portée de communication (sur les courses en circuit par contre, c’est beaucoup plus simple). Sur les grandes épreuves (qui sont les seules épreuves potentiellement touchées par des paris) où les routes sont fermées à la circulation, c’est difficilement imaginable.
Le milieu du pari illégal générant beaucoup d’argent, on peut tout de même imaginer que les malfrats aient des moyens plus conséquents. La meilleure solution pour couvrir une grande zone, c’est par les airs. C’est d’ailleurs là que sont relayés par hélicoptères et avions les images télé et radiotour sur les plus grandes épreuves. Mais là encore ce n’est pas évident, car du fait de la présence des moyens volants de la production TV et de l’organisation, l’espace aérien des courses cyclistes est surveillé. On peut toujours imaginer des drones. L’hypothèse n’est pas simple mais elle n’est pas impossible, surtout si le terrain s’y prête bien.
Reste que si on veut vraiment se prémunir de toute intrusion, il existe une solution assez simple pour éviter tout problème. Ce sont les systèmes numériques de radio. Ils peuvent permettre des communications sécurisées entre un nombre de postes prédéfinis et identifiés. Ils ont un inconvénient : comme souvent avec le numérique, on reçoit ou on ne reçoit pas ; il n’y pas de réception dégradée. Ce qui occasionnerait pour les utilisateurs (directeurs sportifs et coureurs) une portée encore plus réduite que maintenant. Mais la sécurité de ces systèmes est prouvée. Les forces de l’ordre du monde entier les utilisent depuis les années 90. Bien entendu, ils coûtent plus cher.
Si on va plus loin dans la réflexion, on peut imaginer que, pour palier aux inconvénients des radios numériques (et de la radio en général), les équipes puissent utiliser sur les grandes courses, les avions relais de l’organisation et de la télé pour pallier au problème de portée (se pose le problème que hormis les épreuves ASO, peu d’épreuves sont couvertes par un relai pendant tout le temps de la course). Ainsi le problème serait définitivement résolu et ce serait l’occasion de mettre en place des communications accessibles à la production TV, comme en Formule1, mais aussi contrôlables par les commissaires de course.
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