Tour de France et environnement : Le Tour s’adapte, aucun véhicule dans la montée du Prat d’Albis
Le Tour de France est à la recherche d’inédit et de spectaculaire. Mais après 105 éditions, pas facile de trouver de nouvelles choses. L’introduction de la Planche des Belles Filles en 2012 avait déjà fait couler beaucoup d’encre au sujet des travaux de goudronnage. L’extension de la montée d’un peu plus d’un kilomètre prévue pour le Tour 2019 est aussi beaucoup critiquée. Conscient des enjeux environnementaux, ASO cherche des solutions pour ne pas priver le Tour de ces nouveautés tout en limitant l’impact de sa venue. Ainsi, alors que Christian Prudhomme était en visite au sommet du Prat d’Albis qui accueillera l’arrivée inédite de la quinzième étape du prochain Tour de France, le Conseil Départemental de l’Ariège assure à La Dépêche qu’il n’y aura ni camping-car, ni voitures dans la montée le 21 juillet prochain. Si le Tour a adapté sa structure pour permettre de nouvelles arrivées spectaculaires ces dernières années, le public va lui aussi devoir s’adapter.
Le Tour est de très loin le plus grand des trois Grands Tours médiatiquement parlant mais son succès est aussi son fardeau. Pour les équipes et leurs sponsors, c’est le moment le plus important de l’année et la position de l’épreuve dans le calendrier au mois de juillet fait que la quasi totalité des très nombreux grands leaders présents sur le Tour, sprinteurs, puncheurs, coureurs de classement général… arrivent à leur pic de forme. Ce qui n’est pas forcément le cas au Giro par exemple où les défaillances sont plus courantes. Malheureusement pour le Tour, ça ne profite pas souvent au spectacle. Face à un peloton aussi affûté, le moindre mouvement de trop peut être fatal. En résulte une course très calculée, pas toujours passionnante à suivre, et forcément la « grande boucle » souffre de la comparaison avec le Giro, souvent plus sensationnel.
Car l’un des avantages du Giro est que l’événement en lui-même est bien plus petit que le Tour (sans juger de sa valeur sportive), que ce soit médiatiquement, logistiquement et bien entendu en terme d’affluence populaire. Une différence qui permet à la course de RCS de s’autoriser plus de choses et bien entendu plus de choses qui sortent de l’ordinaire. Même raisonnement pour La Vuelta (organisée par ASO). Conscient de ça, les équipes d’ASO travaillent depuis des années à réorganiser leur logistique pour pouvoir permettre au Tour de France de lui aussi sortir des sentiers battus. Il y avait déjà la configuration particulière mais datant de longue date du Col d’Izoard. Une autre avancée à été faite en 2010 avec l’arrivée du sommet du Tourmalet, qui sera rééditée en 2019 justement. Puis il y a eu le Galibier en 2011, où la fameuse zone technique d’arrivée, qui regroupe plus d’une centaine de camions des télévisions du monde entier était éclatée en trois différentes zones. Plus récemment, il y a eu l’arrivée au sommet de l’Izoard en 2017 et celle du Col du Portet l’an passé.
En 2019, les choses vont s’accélérer encore plus. L’Equipe Magazine du 27 octobre dernier proposait un beau reportage sur la construction du Tour 2019 où Stéphane Boury, le Directeur des sites d’ASO, révélait qu’il n’y aurait pas moins de 7 arrivées avec des dispositifs « allégés » (en réalité éclatés) sur la prochaine édition. Et pas seulement en montagne d’ailleurs puisque ce sera aussi le cas pour l’arrivée d’Epernay. La difficulté pour ASO est qu’avec ces arrivées difficiles, il n’est pas le seul à devoir adapter sa logistique. Il doit aussi demander aux nombreuses chaînes de télévision présentes de s’adapter à ces configurations particulières. Or ces chaînes qui paient des droits de retransmissions, doivent déjà déployer des moyens techniques très spéciaux et coûteux pour suivre ce spectacle itinérant aux lourdes contraintes techniques quand une Coupe du Monde FIFA, des Jeux Olympiques ou une Coupe du Monde de Rugby par exemple sont des événements beaucoup plus faciles à produire car statiques. Mais l’important reste la course et c’est une donnée que Christian Prudhomme, le Directeur du Cyclisme chez ASO et Thierry Gouvenou, le Directeur des compétitions ont bien compris et avec l’aide de leurs équipes ils s’appliquent à ce que le Tour ne soit plus prisonnier de son succès.
Mais les contraintes propres au Tour de France ne sont pas uniquement liées à sa logistique. Avec plus de 10 millions de spectateurs le long des routes, le Tour est un succès populaire sans commune mesure avec les autres Grands Tours mais cette affluence a aussi un impact, notamment en montagne. Le public est au coeur de l’événement et donc en général l’organisation du Tour s’évertue à ce qu’il soit le moins touché par les contraintes liées aux arrivées difficiles mais parfois il n’y a pas le choix. Au sommet du Prat d’Albis, pour des considérations environnementales, il n’y aura donc aucun véhicule civil autorisé à monter.
« Les coureurs vont arriver sur un lieu immaculé, et notre souci, c’est qu’il le reste » déclarait Prudhomme à La Dépêche. « Il n’y aura ni camping-cars, ni voitures dans la montée du Prat d’Albis, dès la veille voire l’avant-veille de l’étape » expliquait pour sa part Henri Nayrou, le Président du Conseil Départemental de l’Ariège « Croyez-vous qu’on a envie de dénaturer ce qui fait notre richesse ? » poursuit-il. La structure logistique de l’arrivée sera elle réduite à son plus strict minimum, comme l’an passé au sommet du Col du Portet alors même que, d’après Prudhomme, il ya pourtant l’espace nécessaire au sommet pour accueillir une structure plus conséquente. Reste maintenant à la commune de Foix de trouver des solutions pour à la fois contenir les troupeaux de 600 à 800 bovins, chevaux et ovins présents dans l’ascension et en même temps organiser la venue des spectateurs dans la montée.
En tout cas ces mesures particulières témoignent de la direction qu’est en train de prendre le Tour. L’organisation, tous ceux qui oeuvrent au bon déroulement de l’événement et les médias s’adaptent depuis plusieurs années aux nouvelles contraintes permettant des arrivées plus spectaculaires. Le public, qui doit déjà attendre en moyenne plus de 6 heures pour voir les coureurs du Tour (et parfois bien plus en montagne), va aussi être appelé ponctuellement à faire plus de sacrifices.