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Doublé Giro-Tour de Chris Froome : La décision ne serait pas encore prise

C’est le feuilleton de cet intersaison : la possible tentative de doublé Giro – Tour de Christopher Froome. Hier un article du quotidien Néerlandais De Telegraaf annonçait que la décision avait été prise et que Christopher Froome (Team Sky) allait tenter le doublé. Aujourd’hui toutefois, Servais Knaven, directeur sportif au sein du Team Sky, seul membre de la direction de Sky à s’être exprimé depuis, réfute la confirmation : « C’est une possibilité mais rien n’est encore décidé » a-t-il déclaré à Het Nieuwsblad. De même que, sur CyclingTips.com.au, des sources au sein de RCS démentent avoir reçu quelque confirmation que ce soit… alors que la source initiale du Telegraaf était censée être interne à RCS.

Dans la foulée de la publication du Telegraaf, le magazine anglais CyclingWeekly activait ses sources pour obtenir une confirmation. Selon eux : la participation de Froome sera annoncée dans un message vidéo demain lors de la Présentation Officielle du Tour d’Italie 2018 ; et ce serait Israël qui aurait déboursé 2 millions d’euros pour que Froome participe à la Corsa Rosa. Mais bien entendu jusqu’ici aucune confirmation officielle ou source identifiée.

Cultiver le doute

Mais pourquoi Froome tenterait-il le doublé quitte à sacrifier un cinquième Tour de France ? Lui-même a annoncé à plusieurs reprises qu’il ne fermait pas la porte au Giro mais qu’il n’y avait aucune raison pour que le Tour de France ne soit pas son objectif principal en 2018 (à CyclingNews.com lors du Critérium de Shanghai). A vrai dire, pour le moment, le coureur britannique semble être celui le plus à l’écart du feuilleton sur sa participation au Giro. Déjà à l’hiver 2014, Froome avait créé le doute en disant qu’en 2015 il pourrait privilégier le Giro et La Vuelta plutôt que le Tour. A cette époque il n’avait qu’une seule Grande Boucle à son actif. Puis au moment de présenter ses objectifs, évidemment le Giro n’y était pas. La possibilité de mauvais temps et les problèmes d’allergie au pollen, particulièrement présent en mai, auraient eu raison du Tour d’Italie. En réalité, il se dit surtout que l’annonce de Froome de zapper le Tour était due à son mécontentement quant au faible kilométrage de contre-la-montre individuel sur le tracé 2015.

Quoiqu’il en soit, Froome aime cultiver le doute sur ses supposés projets de participation à certaines courses. Ou peut-être ne ferme-t-il jamais la porte à telle ou telle éventualité avant d’avoir fixé son programme définitif et sa façon de le faire savoir entraine un affolement médiatique dont il préfère se tenir à l’écart. En 2016 par exemple, il évoquait la possibilité de participer au Tour de Yorkshire 2017 après l’appel insistant des organisateurs. Les médias britanniques avaient repris en masse… Alors qu’en même temps Froome affirmait avoir un planning à respecter pour se préparer pour le Tour de France. Sachant que le Yorkshire est concomitant au Tour de Romandie et que cette course est systématiquement dans le planning du champion britannique (il a été au départ de chaque édition depuis 2010)… cela laissait peu de chance à une participation à la course anglaise. Et en effet jusqu’à présent il n’en a jamais pris le départ.

Une idée venue d’ailleurs ?

Au sujet du doublé Giro-Tour, il est vrai qu’en 2018, il y a une donne particulière. En raison de la Coupe du Monde FIFA, tout le calendrier de cyclisme (ou presque) se décale à partir de la deuxième quinzaine de juin. Cela signifie qu’il y a une semaine de plus entre le Giro et le Tour. Soit 40 jours entre la fin du Giro et le départ du Tour contre 33 habituellement. Une occasion en or selon certains. Mais qu’en pense Froome ? Personne ne le sait. Il y a bien eu de nombreux articles sur le fait que l’idée trottait sérieusement dans sa tête, que chez Team Sky, Dave Brailsford (le manager général) et Tim Kerrison (directeur de la performance) évoquaient sérieusement l’hypothèse, après avoir reçu en avant première les détails du parcours du Giro (qui ne sera présenté que demain). Que ce dernier aurait même soutenu que le doublé était possible en 2018… Sauf que pour l’instant personne chez Sky n’a confirmé tout ça.

En parallèle, et sans que Sky ou Froome n’y soit pour quoique ce soit, la pression pour que le Britannique s’attaque au doublé a pris d’énormes proportions. Bernard Hinault a déclaré, il y a déjà un petit moment, qu’après avoir réalisé le doublé historique Tour-Vuelta, Froome devrait désormais s’attaquer au Giro. Plus récemment, Eddy Merckx clamait que Froome « devait » participer au Giro (mais on sait aussi que le champion belge a quelques différends avec ASO dernièrement et peut-être ne serait-il pas mécontent si le Giro pouvait chiper un peu la vedette au Tour). De manière générale c’est une grande partie de la sphère du vélo qui semble se liguer pour pousser Froome à tenter ce doublé qui déchaîne les passions.

Et pourtant…

En lisant les réactions des internautes on s’aperçoit qu’une majorité n’y semble pas forcément favorable. Il faut dire que récemment Alberto Contador et Nairo Quintana s’y sont cassés les dents. Et c’est toujours un peu frustrant de voir un grand champion ne pas être à 100% de ses possibilités sur une course comme le Tour de France . Et c’est en plus souvent incompris, que ce soit par les médias ou une partie du public, que des coureurs ne performent pas au Tour, quand bien même ils ont le Giro dans les jambes. Quintana et Thibaut Pinot, qui, pour ce dernier partait seulement avec l’objectif de victoires d’étape sur le dernier Tour de France, en ont récemment fait les frais.

Le fait que Froome ait finalement réussi le doublé Tour-Vuelta, le premier de l’histoire depuis que La Vuelta a lieu après le Tour (troisième coureur après Bernard Hinault et Jacques Anquetil a gagné les deux courses dans la même année), a ravivé le rêve d’un possible doublé Giro-Tour chez certains. Alors qu’ils sont déjà sept à l’avoir fait dans l’histoire du cyclisme. Le dernier en date étant bien entendu Marco Pantani, en 1998. Le fantasme est encore plus grand que si Froome réalise ce doublé Giro-Tour en 2018, après avoir fait Tour-Vuelta en 2017, il aura alors gagné quatre Grands Tours successifs. Cela dit l’intéressé lui-même ne semble pas sensible à cet argument : « Je ne le vois pas ainsi » déclarait-il à CyclingNews.com évoquant le fait que comme ce n’est pas la même saison, ça n’entre pas vraiment en compte. Mais on en est encore loin de toute façon.

Le doublé Giro-Tour est bien différent du doublé Tour-Vuelta

Car le doublé Giro-Tour est probablement plus difficile aujourd’hui que le doublé Tour-Vuelta. En 2014, quand Alberto Contador remportait La Vuelta après s’être blessé sur le Tour, face à un Christopher Froome diminué lui aussi par une blessure survenue sur le Tour un mois plus tôt, il affirmait avoir pris conscience qu’il pouvait gagner un Grand Tour en n’étant qu’à 80% de ses capacités. Et que par conséquent il songeait à s’attaquer au doublé Giro-Tour en 2015 (ce qu’il avait déjà tenté en 2011 mais dans un contexte particulier de risque de suspension). Ce qu’il fera. L’idée était d’être à 80% sur le Giro puis à 100% sur le Tour. L’Espagnol arrive donc sur le Giro à 80%, selon ses dires, et remporte la Corsa Rosa. Mais il a aussi eu de la chance car si Mikel Landa n’avait pas dû suivre les ordres de ses directeurs sportifs d’Astana à l’époque, d’attendre Fabio Aru, il semblait parfaitement en mesure de détrôner Contador, notamment dans l’étape de Sestrières, la veille de l’arrivée finale. Sur le Tour de France, Contador ne peut faire mieux que cinquième sans avoir pu peser sur la course pour la victoire finale.

Cette année, c’était au tour de Quintana de tenter ce doublé. Le Colombien n’est pas rentré dans les détails des pourcentages mais il avait affirmé à plusieurs reprises que le Tour restait l’objectif principal, laissant sous-entendre une approche similaire à celle de Contador en 2015. Malheureusement pour le coureur de Movistar, il n’a pas eu la même chance que l’Espagnol deux ans plus tôt. Avec un plateau relevé, Quintana s’incline pour seulement 31 secondes face à Tom Dumoulin. S’il avait effectivement suivi une approche similaire à Contador, on peut alors imaginer qu’il aurait peut-être eu plus de possibilités d’accrocher un troisième Grand Tour à son palmarès en étant à 100% sur le Giro. Par la suite, la difficulté du challenge, jumelée au fait que l’objectif du Giro soit déjà loupé n’ont pas dû aidé le Colombien. Il ne termine que douzième du Tour de France. Mais si pour beaucoup Quintana a été une des grosses déceptions du Tour, il a peut-être avant tout été une déception du Giro.

La différence entre le doublé Giro-Tour et le doublé Tour-Vuelta tient réellement au calendrier. Au Tour d’Italie, on a une palette de favoris, plus ou moins relevée, qui se sont préparés pour être à 100% sur cet objectif. Sur le Tour de France, on a une palette de favoris, toujours très relevée, qui se sont préparés pour être à 100%… mais avec deux mois de printemps supplémentaires pour être prêts. Enfin à La Vuelta, le plateau est de plus en plus relevée chaque année et il est même devenu impressionnant. Mais ces favoris ont toujours au moins un Grand Tour dans les jambes. Et même si faire Giro-Vuelta autorise plus de récupération que Tour-Vuelta, c’est un constat qui semble bien établi qu’aucune des deux formules ne permet d’être réellement à 100% sur La Vuelta. Ce qui ne pose pas de problème de compétitivité lorsque tout le monde a au moins un Grand Tour dans les jambes. Mais quand on regarde les dernières éditions, depuis que le plateau s’est largement renforcé, on constate qu’il y a deux vainqueurs surprises : Juan José Cobo et Chris Horner. Deux coureurs qui ont en commun de n’avoir disputé que La Vuelta comme Grand Tour l’année où ils se sont imposés.

En conclusion avoir deux pics de forme proche des 100% sur une seule année pour un coureur de Grand Tour semble aujourd’hui impossible. Gagner le Giro en n’étant qu’à 80% semble sacrément aléatoire. Il faut espérer que le plateau ne soit pas relevé ou que les opposants soient mal préparés ou perdent du temps sur incident, chute, problème de santé ou ennui gastrique soudain. Quant à être à 80% au Giro et être aux mêmes 100% au Tour que les autres concurrents qui se sont entrainés minutieusement depuis le début de l’année (et même à partir du mois de novembre de l’année précédente) pour ça… Contador lui-même avait plus ou moins concédé que c’était très compliqué et qu’il n’avait pas trouvé la solution en 2015. Quintana ne dira sans doute pas le contraire même s’il envisage de retenter un jour le doublé. Quant à la semaine exceptionnelle de récupération supplémentaire entre Giro et Tour (due à la Coupe du Monde FIFA), son incidence ne devrait pas être énorme si on se réfère à ce que l’on voit sur le Tour d’Espagne en comparant les coureurs ayant doublé Giro-Vuelta et Tour-Vuelta.

D’autres aspects à prendre en considération

Maintenant il y a le plan sportif et le plan extra sportif. Si Israël débourse réellement 2 millions pour que Froome prenne part à une course qui reste trois jours (et au moins trois jours d’émulation pour les opérations de Grand Départ) sur son territoire, même une équipe aussi riche que Sky considérera la proposition. Il y a aussi d’autres facteurs. On sait que Fausto Pinarello, patron de la marque italienne des bicyclettes qui équipent Sky, pousse pour que Froome fasse le Giro. Avec Mikel Landa, Sky avait un leader reconnu en Italie sur le Giro mais l’Espagnol n’est plus là. Il reste Geraint Thomas mais il n’a pas encore de référence en tant que leader sur un Grand Tour. L’Italie est aussi l’un des pays où le groupe de TV Sky est fortement implanté. On remarquera d’ailleurs que le doublé Tour-Vuelta de Froome est tombé incroyablement bien, tout juste au moment où le bouquet Sky allait débarquer pour la première fois sur le marché espagnol et que l’équipe éponyme en faisait justement la promotion.

Mais selon Servais Knaven, la décision n’est donc pas encore prise. Ce que tant à confirmer La Gazzetta dello Sport. Knaven ajoute auprès de Het Nieuwsblad qu’une réunion de la direction sportive, où le sujet devrait être évoqué, serait prévue cette semaine, sans la présence de Froome. Si le Néerlandais dit vrai, cela réfuterait la thèse de CyclingWeekly selon laquelle un message vidéo de Froome annonçant sa participation au Giro 2018 serait diffusé durant la Présentation Officielle demain soir. Mais si Knaven dit vrai, on peut vraiment se demander ce que sera la grande nouvelle annoncée par RCS quant à la participation du prochain Giro. En tout cas, si ça ne concerne pas la participation de Froome, cela risque d’être un sacré « anticlimax » pour beaucoup (et RCS en serait la première victime). Si ce n’est pas Froome qui est annoncé demain, ce pourrait bien être Tom Dumoulin. Selon La Gazzetta dello Sport, le vainqueur du centième Giro aurait confirmé sa participation à RCS.

8 commentaires

  1. Froome a certainement du lire Cyclingpro et se dire que ce n’était sûrement pas si facile que ça vu que le dernier a avoir réussi ce défi après Merckx a été Bernard…

    Non, non, mon pseudo n’a pas été choisi par hasard 😉

    1. Pour ça, il aurait surtout fallu qu’il lise vos commentaires car comme il l’a répété à plusieurs reprises, et encore à la veille de l’arrivée du dernier TDF, il n’est pas très calé en histoire du cyclisme ayant eu accès aux premières images du Tour de France assez tard dans sa jeunesse… Mais pas sûr cela-dit que cette donne influe sur sa décision. Comme Froome l’a dit lui-même, il ne fait pas le même sport qu’Eddy Merckx (et probablement que Bernard Hinault).

      1. Le sport est le même, mais pas le mollet. Autrefois, pour gagner, il fallait être une force de la nature, désormais il faut être rachitique.

        (J’ai toujours pensé que Peter Sagan était un coureur des années 1970…)

  2. Merci bien Antoine Plouvin pour cette analyse qui me semble pertinente.
    Je pense en effet que le doublé Giro-Tour est quasi hors de portée dans le cyclisme moderne et mondialisé de notre époque.
    A vos nombreux arguments, j’ajouterai que les équipiers arrivent aussi à 100% sur le Tour et que donc les équipes y sont beaucoup plus puissantes que sur le Giro ou la Vuelta. Ce qui au final donne souvent sur le Tour cette impression de course bloquée pour ne pas dire très ennuyeuse dans la lutte pour le maillot jaune.
    Si Froome est lucide et tout démontre qu’il l’est, il n’a aucun intérêt sportif à tenter le doublé Giro-Tour qui à mon avis précipiterait sa perte sur le tour et le priverait de rentrer dans le club des quintuples vainqueurs du Tour. Et cela, il y tient plus que tout.
    Pour ma part, je ne le vois donc pas participer au Giro 2018 mais plutôt se concentrer à 100% sur le Tour 2018 d’autant que sa marge de sécurité individuelle sur la concurrence est désormais plus restreinte qu’en 2013 ou 2015. Sans compter que la 1ère semaine du Tour sera sur le plan nerveux encore + éprouvante que les autres années avec un parcours qui tend à se rapprocher des classiques de printemps.
    Tout cela fait qu’à sa place, je ferais même le Tour 2018 véritablement à 100% et non un poil en dessous comme en 2017 où il avait probablement dans un coin de sa tête de gagner enfin la Vuelta quelques semaines plus tard. Le parcours très montagneux du Mondial 2018 donne à mon sens un argument supplémentaire à l’hypothèse d’un seul grand tour en 2018 couru à 100%. En effet, le maillot arc en ciel est pour lui une occasion en or de rentrer encore davantage dans l’Histoire. Pour cela, une préparation spécifique en ce sens afin de décrocher le titre mondial lui permettrait de zapper la Vuelta en 2018, en tout cas au niveau du classement général.
    Quant à Dumoulin, il me paraît aussi intelligent que Froome dans la gestion de sa carrière. Il cible des objectifs atteignables au fur et à mesure de sa progression et se prépare en conséquence comme en 2017 avec ses victoires au Giro et au mondial de CLM. Je peux me tromper mais mon sentiment est qu’il va zapper le Tour en 2018 pour 2 raisons : Froome n’a pas encore véritablement amorcé son déclin d’autant qu’il reste appuyé par une équipe surpuissante. Secondo le parcours du Tour 2018 le prive d’un CLM individuel suffisamment plat et long, seul compartiment de la course pouvant le laisser espérer creuser un écart relativement substantiel avec le Kenyan blanc.
    Du coup, je pense qu’il pourrait tenter pour la 1ère fois la gagne dans 2 grands tours en 2018 avec le doublé Giro-Vuelta ce qui au passage lui donnerait des infos supplémentaires sur sa capacité à remporter le Tour à partir de 2019 voire 2020 selon son niveau de progression et les facteurs extérieurs tel le parcours et le niveau de la concurrence.

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