Mondiaux : Mads Pedersen crée la surprise et entre dans l’Histoire
Une nouvelle page de l’histoire s’est écrite ce dimanche sur les routes du Yorkshire. Au terme des 260 kilomètres de la course en ligne masculine, c’est le tout jeune Mads Pedersen qui a triomphé, dans un sprint à trois devant Matteo Trentin (Italie), qui partait pourtant favori, et Stefan Küng (Suisse), devenant ainsi le tout premier Danois de l’histoire à revêtir le maillot arc-en-ciel ! L’épreuve, disputée tout du long dans des conditions climatiques exécrables, s’est décantée dans les quarante derniers kilomètres. Küng, Pedersen et Trentin ont attaqué à des moments bien distincts mais se sont bel et bien retrouvés ensemble dans les cinq derniers kilomètres pour se disputer le sacre mondial, cela suite, également, à la défaillance aussi subite qu’incroyable de Mathieu van der Poel qui les accompagnait pourtant jusqu’au dernier tour. Au sprint, Trentin partait naturellement favori, mais les forces ont été redistribuée après une telle course et c’est bien Pedersen qui avait le plus d’énergie pour conclure et décrocher l’or. Trentin aura du mal à se contenter de l’argent tandis que Küng sera sans nul doute très heureux de sa médaille de bronze. Aucun Français n’a terminé dans le top-10.
C’est une météo très capricieuse, d’ailleurs à l’origine d’un changement de parcours de dernière minute, qui accompagne ce dimanche matin les coureurs au départ de la course en ligne des championnats du monde. À Leeds, pourtant, les gouttes sont encore timides, mais peu après le départ réel, donné sous les coups de 10h30, la pluie s’intensifie alors que les tentatives d’échappée sont déjà nombreuses. Quelques hommes se font remarquer à l’instar d’Eduard Grosu (Roumanie) ou de Tom Wirtgen (Luxembourg), mais la vitesse est très élevée dans les premières minutes et c’est finalement après quasiment trente kilomètres qu’un groupe parvient à s’extraire, en costauds. On retrouve là quelques gros clients, même si aucun n’apparait comme favori pour l’épreuve du jour. Sont donc présents le vainqueur de la dernière Vuelta, Primoz Roglic, accompagné de son collègue Jan Polanc (Slovénie), le lauréat du dernier Giro, Richard Carapaz (Equateur), un double vainqueur de Grand Tour en la personne de Nairo Quintana (Colombie) mais aussi Jonas Koch (Allemagne), Magnus Cort Nielsen (Danemark), Silvan Dillier (Suisse), Petr Vakoc (République Tchèque), Hugo Houle (Canada), Alex Howes (Etats-Unis) ainsi que Maciej Bodnar (Pologne). La différence est donc faite sur le peloton, mais ce dernier est immédiatement pris en charge par l’équipe d’Australie de Michael Matthews.
C’est d’ailleurs le champion du monde du contre-la-montre en titre, Rohan Dennis, qui vient dicter l’allure. Il est bientôt rejoint en tête de peloton par Julien Bernard (France) et Jos van Emden (Pays-Bas). Ensemble, les trois hommes musèlent les onze fuyards du jour à 2-3 minutes dans un premier temps. Dans l’unique montée de la course en ligne, après 60 kilomètres, l’écart se réduit toutefois à 1’30 alors que le sommet de ladite montée présente un obstacle pas comme les autres : une vraie mare d’eau. Celle-ci est néanmoins franchie sans encombres par l’ensemble des coureurs. Les 200 derniers kilomètres sont alors abordés et le peloton décide logiquement de calmer le jeu et de lever le pied. L’échappée peut dès lors reprendre du champ et jouir de quatre minutes d’avance pendant un long moment. La situation se stabilise et aucun fait marquant ne vient perturber l’avancée des coureurs, par ailleurs bien vêtus sous une pluie qui ne s’interrompt pas. Après cent kilomètres de course, l’écart grimpe à 4’30 pour les hommes de tête, mais le peloton augmente bientôt son allure. Progressivement, mais assez rapidement tout de même, puisqu’à 125 bornes du but, au premier passage sur la ligne d’arrivée, il ne compte plus qu’une minute et trente secondes de retard. Il reste à cet instant neuf tours de 13,9 kilomètres à couvrir et une nouvelle course débute.
Une nouvelle course qui ne débute pas sous les meilleurs auspices pour Philippe Gilbert, victime d’une chute contre les barrières et qui met un petit moment avant de repartir. Il est attendu par son jeune compatriote Remco Evenepoel, qui tente alors de le ramener. Mais ça s’active en tête de peloton où l’équipe de France se replace et passe à la vitesse supérieure. Cela a pour effet quasi-immédiat la neutralisation de l’échappée matinale. À 115 kilomètres de la ligne, tout est donc à refaire. Le Danemark, après avoir récupéré Magnus Cort Nielsen au sein du groupe de fuite, se met aussi à rouler, et ce de manière assez intense. De fait, après le premier tour de circuit, on ne retrouve plus que 120 coureurs dans un premier peloton lancé à toute allure tandis que le groupe Gilbert pointe à une demi-minute et ne parvient pas à rentrer. Dans la boucle suivante, l’ancien champion du monde perd encore davantage de temps, et perd aussi Evenepoel… Les dés semblent jetés pour le Wallon alors que ses collègues belges accélèrent à leur tour l’allure dans le peloton, sous l’impulsion de Tim Declercq devant Greg van Avermaet. Dans le peloton, la sélection se fait ainsi par l’arrière sur le circuit de Harrogate et sous une météo toujours exécrable. Les Français poursuivent eux leur travail de sape pour Julian Alaphilippe et ce sont eux qui emmènent à sept tours du but, par l’intermédiaire de Rémi Cavagna.
Philippe Gilbert, lui, doit malheureusement abandonner, relégué à plus de deux minutes du peloton principal. Un premier grand favori se retire ainsi à un peu moins de 100 bornes du but. Le paquet continue lui sur sa lancée et conserve un train élevé qui ne permet à aucun coureur, ou du moins en refroidit certains, de passer à l’offensive. Le roule-toujours Rémi Cavagna est toujours aux manettes à six tours de l’arrivée, soit 83 kilomètres, et le peloton compte encore 90 unités … mais pas le vainqueur sortant, Alejandro Valverde, également contraint à l’abandon dans ces conditions très difficiles ! Un tour plus tard, la situation est quasiment similaire, avec un peloton toujours très fourni mais désormais orphelin de Sam Bennett, trop juste. L’Italie, les Pays-Bas et la France emmènent donc à cinq tours du but et il faut encore attendre quelques minutes pour voir, enfin, une offensive. Elle est l’oeuvre de Lawson Craddock (Etats-Unis), qui est vite rejoint par Stefan Küng (Suisse). Ensemble, ils se construisent un avantage de 30 secondes à 60 kilomètres de la ligne. Au prochain passage sur la ligne, leur avance est réduite à vingt secondes par l’équipe de France, toujours entreprenante, mais aussi par les Pays-Bas. Mais à l’entrée dans les cinquante derniers kilomètres, ça commence à s’animer davantage au sein du peloton, duquel se détache avec autorité Mads Pedersen dans la bosse la plus dure du circuit.
Personne ne prend le sillage du Danois qui s’en va reprendre le duo de tête en un clin d’oeil. Sa relance est même fatale à Craddock, et seul Küng peut alors l’accompagner. En contre, Mike Teunissen (Pays-Bas) et Gianni Moscon (Italie) tentent également de faire la jonction. Le Néerlandais y parvient juste avant l’entame des trois derniers tours (40 km) tandis que l’Italien le fait juste après. C’est donc un quatuor qui mène les débats à environ une heure du terme de l’épreuve, et c’est la Belgique qui sort de sa réserve pour mener la chasse. La France vient également rouler mais ce sont en réalité de nouvelles attaques qui émanent du paquet à 35 kilomètres du but. Nils Politt (Allemagne) est le premier à proposer un contre, et il est suivi par Dylan Teuns (Belgique), Lukas Postleberger (Autriche et Dani Martinez (Colombie). Ce groupe aborde la bosse avec une légère avance sur le reste du peloton, mais leur aventure est de courte durée. C’est en effet le moment choisi par Mathieu van der Poel pour fournir son effort. À 34 kilomètres de la ligne, le Néerlandais déclenche un énorme démarrage que plusieurs coureurs tentent de suivre, mais que seul Matteo Trentin peut accompagner.
Dani Martinez profite de sa précédente anticipation pour garder la roue des deux hommes. Un temps seulement. Dans un faux plat, et suite aux grosses relances de l’Italien et du Hollandais, le Colombien coince alors que les deux favoris rentrent sur le groupe de tête, où ne figure plus Teunissen. La coopération est immédiate au sein de l’échappée, Küng, Pedersen et Moscon profitant du retour de van der Poel et trentain pour faire perdurer leur aventure. Qui plus est, le peloton a du mal à s’organiser, et lorsqu’il le fait, sous l’impulsion de la Belgique, de l’Australie ou de l’équipe de France, c’est relativement peu efficace. D’ailleurs, Groka Izagirre (Espagne), Carlos Betancur (Colombie) et Toms Skujins (Lettonie) parviennent même à s’intercaler. Et au moment d’aborder l’avant-dernier tour, les cinq hommes de tête comptent ainsi 15 secondes sur le trio de poursuivants et déjà près d’une demi-minute sur le peloton. Au sein de ce dernier, la Belgique s’active avec Tim Wellens, Dylan Teuns ou encore Yves Lampaert, mais ce sont bien les hommes de tête qui se montrent les plus costauds. Van der Poel et Trentin donnent notamment beaucoup de leur personne et cela porte ses fruits. À vingt kilomètres du but, le peloton est repoussé à 50 secondes et, on peut le dire, désormais hors-course pour le sacre.
Les intercalés ne le sont bientôt plus, mais même si la Belgique et la France lâchent leurs dernières forces derrière, c’est bien devant que se trouve le champion du monde. À 18 kilomètres, les chances de Gianni Moscon de l’être semblent toutefois diminuer fortement lorsqu’il cède quelques mètres dans la grosse bosse du parcours. Au prix d’un bel effort, l’Italien revient finalement dans le premier groupe et se met alors à la planche pour Trentin.À l’entame du dernier tour, cinquante secondes devant le paquet, ils sont donc bel et bien cinq pour trois médailles, dont la plus belle. Mais ils ne sont bientôt plus que quatre puisqu’un élément du quintette craque peu après le son de cloche. Et celui-ci … c’est Mathieu van der Poel, à la surprise générale ! Le Néerlandais cale complètement à douze kilomètres du but, vidé, sans force et contraint de laisser s’envoler le quatuor. Van der Poel est aussi revu par le peloton en un rien de temps, mais c’est bien devant que la victoire se joue, avec un écart réévalué à plus d’une minute à dix bornes de la ligne.Les relais continuent d’ailleurs de bien passer au sein de l’échappée alors que l’Allemagne tente désespérément de mener le peloton. Puis se présente l’ultime difficulté du jour, la fameuse bosse du circuit, et c’est Küng qui décide d’augmenter l’allure et de tester ses ultimes rivaux. Trentin reste bien calé dans sa roue, Pedersen serre les dents mais Moscon est lui définitivement lâché.
L’Italien coince au même endroit que le tour précédent et voit une médaille personnelle s’envoler. En revanche, la Squadra Azzurra peut alors largement espérer le sacre avec Trentin, qui relaie, timidement mais tout de même, ses compagnons suisse et danois dans les derniers kilomètres. À deux bornes du but, les médailles sont donc assurées pour Stefan Küng, Mads Pedersen et Matteo Trentin, qui part favori pour l’or en raison de sa pointe de vitesse. À l’entrée dans le dernier kilomètre, Küng laisse la première place à Pedersen, et s’installe alors le traditionnel round d’observation. Pedersen garde finalement les rênes dans les derniers hectomètres et les trois hommes arrivent donc roue dans roue dans l’ultime ligne droite. Pedersen emmène devant Trentin et Küng, et c’est l’Italien qui lance finalement son sprint à un peu moins de 200 mètres. Il semble dans un premier temps prendre l’avantage, comme escompté, mais il coince dans les 100 derniers mètres et c’est Pedersen qui reprend les devants à quelques encablures du but. Le Danois ne faiblit pas et Trentin n’a plus d’énergie à revendre. Küng est distancé, et c’est donc, à la surprise générale, Mads Pedersen qui s’offre le maillot arc-en-ciel au terme de 260 kilomètres extrêmes dans le Yorkshire. Il devient ainsi le premier champion du monde danois de l’histoire et succède à Alejandro Valverde.
Classement
1 Mads Pedersen (Danemark)
2 Matteo Trentin (Italie) m.t
3 Stefan Küng (Suisse) à 0’02
4 Gianni Moscon (Italie) à 0’17
5 Peter Sagan (Slovaquie) à 0’43
6 Michael Valgren (Danemark) à 0’45
7 Alexander Kristoff (Norvège) à 1’10
8 Greg Van Avermaet (Belgique) m.t
9 Gorka Izagirre (Espagne) m.t
10 Rui Costa (Portugal) m.t